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Hommage à “oiseau bondissant”


Graham Greene, acteur canadien mohawk, nous a quitté le 1er septembre dernier. Il aura marqué le cinéma et la télévision par la force tranquille de son jeu et par son engagement à représenter avec authenticité les voix autochtones. Sa carrière illustre une trajectoire unique : celle d’un homme qui a transformé les blessures de l’histoire coloniale en personnages porteurs de dignité et d’humanité, et qui a ouvert la voie à une nouvelle génération d’artistes autochtones…



Racines autochtones
Né en 1952 à Ohsweken, sur la réserve des Six Nations de la rivière Grand, Graham Greene a grandi au sein d’une famille attachée aux traditions orales et à la vie communautaire. Enfant réservé, il a connu le racisme, les préjugés et l’isolement, des expériences qui l’ont profondément marqué et qui ont nourri son désir de raconter des histoires vraies sur les peuples autochtones. Avant de devenir acteur, Greene a exercé plusieurs métiers : technicien du son pour des concerts et des stations de radio, machiniste, et même bûcheron. La proximité avec le monde du spectacle lui a donné envie de faire de la scène et il s’est finalement inscrit au Centre for Indigenous Theatre à Toronto. Le théâtre est devenu pour lui un espace de transformation et un moyen de se réapproprier sa voix et de parler au monde.



@Jared Purdy, via Wikimedia Commons


 Entre histoire et mémoire
Après ses débuts sur les planches et quelques rôles à la télévision canadienne dans les années 1980, Graham Greene décroche son premier rôle marquant dans Powwow Highway (1989), un road movie culte sur l’identité autochtone. Mais c’est Danse avec les loups (1990) qui le propulse sur la scène internationale : son rôle de Kicking Bird, sage et bienveillant, bouleverse les spectateurs. Il aimait raconter qu’il avait été abasourdi par sa nomination à l’Oscar du Meilleur second rôle, au point d’avoir failli ne pas y aller, pensant qu’il n’avait « rien à faire dans ce genre de soirée ».. Tout au long de sa carrière, Greene choisit des projets qui mettent en lumière l’histoire et les luttes des peuples autochtones : Thunderheart (1992), inspiré de l’American Indian Movement, Skins (2002) sur les réalités de la vie dans les réserves, ou encore ses apparitions dans Longmire et 1883, où il incarne des hommes plein de sagesse. Mais il ne s’est jamais limité à un seul registre, enchaînant avec aisance les rôles dramatiques, comiques et même fantastiques, comme dans La ligne verte (1999) ou Twilight, chapitre II (2009) ou encore plus récemment dans The Last of Us, où il jouait le rôle de Marlon fuyant la pandémie au fin fond du Wyoming. 


Transmission
Greene a souvent évoqué les épreuves qui ont jalonné sa vie : des combats contre la dépression, l’alcoolisme et les difficultés économiques avant de percer dans le métier. « Si j’ai pu me relever, c’est parce que ma communauté m’a toujours rappelé qui j’étais », avait-il confié dans une interview. Ces blessures, il les transformait en jeu d’acteur, apportant une intensité émotionnelle et une vérité désarmante à ses personnages. Sur les plateaux, il était connu pour sa chaleur humaine et son sens de l’humour. Un réalisateur a raconté qu’il avait surnommé Greene « the calm in the storm » (le calme dans la tempête) car il savait détendre l’équipe même dans les moments de tournage les plus stressants.


Graham Greene (2022) – Musée du théâtre du Canada, via Wikimedia Commons



L’héritage de Graham Greene dépasse largement sa filmographie. Il a ouvert des portes, inspiré des scénaristes et des réalisateurs, et surtout montré aux jeunes autochtones qu’ils pouvaient rêver d’une place dans l’industrie cinématographique sans renier leur identité. Sa vie et sa carrière nous rappellent qu’au-delà des projecteurs, chaque choix de rôles peut être un acte politique…


Jessica Baucher




+ Crédit photo en-tête d’article : David Sunfellow de Pixabay



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