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Conservée au Danemark depuis 1689, une cape du peuple Tupinamba sera rendue au Brésil





Le précieux ornement cérémoniel, tissé en fibres naturelles et recouvert de milliers de plumes d’ibis rouges, quittera le musée national de Copenhague en 2024 pour rejoindre les collections de celui de Rio de Janeiro.


Il n’existe que 11 manteaux Tupinamba connus sur la planète, fabriqués entre les XVI et XVIIe siècles, tous conservés dans des musées européens. Entièrement faits de plumes rougeâtres, ils sont considérés comme une relique rare, symbole culturel du peuple indigène Tupinamba qui vit le long de la côte brésilienne. Selon les explorateurs qui ont séjourné quelque temps au Brésil au cours du XVIe siècle, les Tupinamba étaient alors de grands cannibales. Selon l’ethnologue française, spécialisée en anthropologie, Hélène Clastre, s’agissant « des Chiriguano (une population de la famille tupi), les Jésuites espagnols ont calculé qu’ils dévorèrent, en l’espace d’à peu près un siècle, 60 000 Indiens chané (2)».




Un intense combat pour la restitution des objets volés
Marquant la fin d’un processus de négociation de longue haleine mené par des diplomates brésiliens et des défenseurs des droits des indigènes, l’une de ces capes quittera, en 2024, les collections du Musée national du Danemark pour être restituée au Brésil. On doit ce retour au militantisme du Peuple Tupinambá de Olivença,
localisé dans le sud de l’État de Bahia, à environ 450 km de Salvador. Une rencontre inespérée en l’an 2000 de deux leaders de ce peuple avec un manteau Tupinambá – durant l’Exposition de Redécouverte du Brésil commémorative des 500 ans du Brésil, – a ouvert la voie à cette lutte pour le retour au pays et la reconnaissance de leur culture. Selon la rédaction du Monde Diplomatique brésilien : actuellement, « les Tupinambá essaient de récupérer 47 376 hectares. En 2001, ils ont obtenu la reconnaissance ethnique par la Fondation Nationale de l’Indien, suivie de la création du groupe technique pour l’inventaire territorial de leur situation depuis 1500. Devant la tiédeur de l’État à faire la régularisation foncière, à partir de 2004, les Tupinambá se mettent à reprendre leur territoire en affrontant les constantes attaques et les innombrables assassinats de représentants de leur peuple, que l’État lui-même couvrait souvent, plutôt que d’empêcher la destruction des biens naturels qui restaient encore dans le territoire revendiqué ». Ils tentent aussi de rapatrier d’autres objets (tambours, flûtes, etc.) et autres manteaux qui sont conservés en dehors du Brésil.





Le manteau Tupinambá ©Musée National du Danemark



 Une première victoire pour les droits indigènes
Le retour de ce chef-d’œuvre ethnographique est largement attribué aux efforts inlassables de la communauté Tupinamba et de l’artiste et activiste Gliceria Tupinamba, qui en a « reçu la mission des Encantados » (3). Celle-ci a contribué à faire revivre la tradition du tissage de ces vêtements cérémoniels. Pendant la période de la pandémie de Covid-19, Gliceria a réussi à « reproduire un premier manteau dont la trame de coton brut est resserrée avec de la cire d’abeille de la Serra do Padeiro, sur laquelle ont été placées près de trois mille plumes. La trame de coton a été tissée suivant la technique du jereré, outil de pêche utilisé par les anciens du village. Ce nouveau manteau – qui n’est pas réalisé avec des plumes d’ibis rouges, ceux-ci ayant disparu – a pour référence le manteau tupinambá qui date du XVIe siècle, conservé dans la réserve du Musée du Quai Branly à Paris ».  Cette création a été exposée en 2023 au Musée d’art de São Paulo.



La remise de ce précieux artefact au musée national de Rio de Janeiro est perçue comme étant plus qu’un retour symbolique : elle est ressentie comme un triomphe significatif dans la lutte plus large du peuple Tupinamba pour la reconnaissance de ses droits. Cette victoire témoigne de la résilience et de la vitalité durable de la culture Tupinamba et de l’immense valeur culturelle de ces artefacts pour les peuples indigènes du Brésil.


Brigitte Postel




1-  Revue du MAUSS 2020/1 (n° 55), pages 53 à 68.
2- Les Chané, également appelés Tapii en langue guaraníe, c’est-à-dire «
esclave ».
3- Les Encantados sont des entités magiques d’origine afro-brésiliennes ou
autochtones qui interviennent dans les cérémonies sacrées, comme le
candomblé.


+ Crédit photo en-tête d’article : ©José Miranda 95, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons


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