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Image par David Peterson ©Pixabay

Guyane française : droits autochtones

Les élus de la Guyane française ont voté samedi dernier en faveur de la reconnaissance des six nations amérindiennes de la région, finalisant ainsi un projet visant à accorder une plus grande autonomie au territoire. Cette initiative, relancée en 2022, doit maintenant être négociée avec le gouvernement français. La résolution adoptée par les parlementaires et les représentants locaux prévoit la création d’une haute assemblée des peuples autochtones avec le pouvoir d’émettre des avis contraignants, notamment sur les projets d’infrastructures, ainsi que l’établissement d’un nouveau statut foncier pour protéger les terres autochtones. Bien que ces demandes aient été soutenues de longue date par les nations autochtones de la Guyane, l’opposition de certains élus locaux a suscité des craintes quant à un éventuel blocage du projet d’autonomie.



L’aboutissement de l’évolution statutaire s’est avéré être un processus ardu, avec la résolution sur la représentation des peuples autochtones au sein de la future collectivité autonome adoptée par le Congrès des élus de Guyane le 13 avril, mais seulement à une très courte majorité. Parmi les soixante-deux votants, trente ont exprimé leur soutien, tandis que vingt-sept se sont opposés et cinq se sont abstenus. Les débats ont été tumultueux, ce qui témoigne de la sensibilité du sujet. Malgré cela, le texte rédigé par les représentants des six nations autochtones a été approuvé sans modifications. Cette décision répond à une demande des autorités coutumières, mais elle a suscité l’opposition, qui a critiqué à la fois le processus comme un déni de démocratie et les mesures adoptées comme contraires au droit français, les rendant ainsi inapplicables dans leur état actuel. Gabriel Serville, président de l’Assemblée de Guyane, a soutenu cette demande, provoquant la frustration de l’opposition. Certains, comme Rodolphe Alexandre, l’ancien président de l’Assemblée de Guyane critiquent la précipitation du vote, estimant qu’un consensus aurait nécessité davantage de temps. Cependant, Christophe Pierre, co-fondateur et porte-parole du mouvement Jeunesse Autochtone de Guyane (JAG) considère cette adoption comme une victoire pour les peuples autochtones, malgré les critiques exprimées à son encontre. Pour le député Jean-Victor Castor, il s’agit d’un moment historique qui marque la reconnaissance des aspirations autochtones par l’Assemblée.. Cependant, Éric Louis, le nouveau président du Grand Conseil coutumier, souligne la nécessité d’une maturité politique sur cette question.

Ce vote met en lumière les divergences profondes sur l’identité guyanaise et la légitimité d’un statut spécifique pour les Amérindiens, tout en soulignant leur volonté de participer activement au processus. La résolution aborde également la question foncière en proposant la création d’un nouveau statut qui protégerait les terres amérindiennes, similaires aux « terres coutumières » en Nouvelle-Calédonie, les plaçant sous la gestion exclusive des peuples autochtones et les interdisant d’être vendues, démembrées ou hypothéquées. Rappelons que six peuples autochtones sont présents en Guyane française : Lokono-Arawak, Kali’na, Parikweneh, Teko, Wayampis et Wayana.





©Pixabay



La résolution adoptée va au-delà de la simple reconnaissance des droits et des identités des six peuples autochtones. Elle ouvre la voie à la création d’une Assemblée des hautes autorités amérindiennes (AHAAG). Cette entité indépendante représentera les six nations autochtones et disposera du pouvoir d’émettre des avis conformes, ce qui signifie qu’ils seront contraignants, sur plusieurs sujets, notamment les projets ou les lois impactant directement ou indirectement les peuples autochtones.

Bien que cette initiative donne enfin une voix aux Amérindiens, jusqu’ici peu représentés dans les organes décisionnels, certains élus craignent que cela ne conduise à de nouveaux blocages, alors que l’objectif de l’évolution statutaire est précisément de se libérer de normes émanant de Paris, jugées trop contraignantes. Le cas de la lutte du village Kali’na de Prospérité contre la Centrale électrique de l’ouest guyanais (CEOG) a été cité en exemple, illustrant comment une autorité telle que l’Assemblée des hautes autorités amérindiennes aurait pu potentiellement bloquer des projets jugés d’intérêt général par la plupart des élus.



Les débats ont remis en question l’identité guyanaise et suscité des interrogations sur la légitimité d’une instance spécifique pour les Amérindiens, ignorant les spécificités des violences coloniales, notamment la spoliation des terres. Bien que le vote vienne clore le projet d’évolution statutaire et confirme l’engagement des peuples autochtones, il souligne également les défis persistants pour l’unification de la population guyanaise et la résolution des incompréhensions mutuelles.




« Si un jour la terre disparaît parce qu’il aura tout mangé, il ne faudra pas s’en étonner. On ne frappe pas un homme à terre ; il risque de se relever. L’Homme naît pour aimer sa Terre », Léon Gontran-Damas


Jessica Baucher


* Crédit photo en tête d’article : ©Pixabay


* Pour aller plus loin :
Plainte des peuples autochtones de Guyane déposée à l’ONU, le 15.03.24




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