Récompensé au festival du film de Berlin, le documentaire-fiction La dernière forêt du scénariste brésilien Luiz Bolognesi, co-écrit par le chef chamane écologiste humaniste et porte-parole emblématique international de la communauté d’Amérindiens Yanomami : Davi Kopenawa est diffusé sur la chaîne Netflix. Ce long-métrage offre un véritable voyage au cœur des mythes et de la nature amazonienne. Il dépeint également la vie quotidienne du peuple Yanomami, et montre comment la présence illégale de l’exploitation aurifère et les menaces de l’exploitation minière sur leur territoire fragilisent dangereusement la population autochtone et la forêt.
◆ À deux, on va plus loin
Né à São Paulo, au Brésil, en 1966, Luiz Bolognesi est producteur, réalisateur, scénariste et anthropologue. Il est notamment l’auteur du film La terre des hommes rouges et de Ex-Shaman. Depuis vingt-cinq ans, il œuvre pour garantir les droits du peuple Yanomami ce qui lui a valu une reconnaissance dans le monde entier. Le chef chamane Davi Kopenawa lui a ouvert les portes de sa communauté car il a autrefois travaillé comme enseignant pour la communauté indigène Pataxó et a consacré une grande partie de sa carrière de cinéaste à explorer l’impact que l’histoire collective du Brésil a eu sur ses autochtones. Davi Kopenawa, lui, se bat depuis trente-cinq ans pour la sauvegarde et la protection de la Terre Mère, et en particulier de l’Amazonie, où il vit. Il est aussi l’auteur du livre La Chute du ciel, dans lequel « il retrace sa vocation de chamane depuis l’enfance et révèle une métaphysique séculaire s’appuyant sur l’usage de puissants psychédéliques ». Il a été récompensé par le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) en 1988 pour son action pour la protection de la forêt amazonienne.
◆ Mythe fondateur
Le peuple Yanomami compte environ quarante mille personnes vivant dans les profondeurs d’une forêt épaisse autrefois protégée. L’attrait pour l’or de leur territoire remonte aux origines mêmes de leur histoire, au temps où le créateur Omama pêchait avec la liane Thuëyoma, une femme-poisson, et en tombait amoureux. Leur union a donné naissance aux Yanomami. Le film La dernière forêt, en parallèle des scènes de vie de la tribu, met en scène ce mythe à travers l’histoire du mari de la jeune Ehuana qui disparaît dans les eaux, emporté par un être féminin surnaturel. En utilisant les membres de la tribu comme acteurs, Luiz Bolognesi dramatise leur mythe fondateur, mettant en scène une romance amoureuse avec une sirène, une trahison fraternelle et une lutte masculine. Luiz a d’abord vécu avec les Yanomani pendant quinze jours, et chaque soir lorsqu’ils allumaient le feu, de vieux chamanes et chasseurs étaient invités à parler de leur désir par rapport au film. Un soir, l’un d’eux a dit qu’il voulait écrire l’histoire des dieux-frères qui avaient créé la forêt et leur peuple. Un autre chamane lui a indiqué que deux frères pourraient les incarner et qu’il devait aller les consulter. Le lendemain, ils sont venus avec les oiseaux (présents dans le film) et ils ont peint et chanté ! L’intervention des femmes de la communauté a également été importante et la présence féminine est forte dans la production.
◆ Un manifeste saisissant
La dernière forêt, long-métrage anthropologique, dénonce les conséquences de la prospection : la déforestation, l’usage du mercure dans les mines, l’assèchement des rivières et l’introduction de maladies. « Ce n’est que dans notre forêt que vous pouvez dormir en paix », déclare Kopenawa dans un passage du film… Ses paroles ne sont pas une invitation aux visiteurs mais un rappel pour les siens. Davi et ses pairs pensent qu’ils doivent décourager les jeunes générations de s’aventurer dans le monde blanc et garder intacte leur culture millénaire. L’histoire a cruellement prouvé que l’homme blanc n’est pas seulement une menace pour l’âme collective des Yanomami, mais également pour leur intégrité physique.
« Je veux montrer à la société non autochtone qui n’a jamais vu le peuple Yanomami, du Roraima et d’Amazonas, qui n’a jamais rencontré, jamais marché ou vu de près, la réalité telle que nous la vivons »,
Davi Kopenawa
Jessica Baucher
+ Crédit photo en tête d’article : ©The Last Forest – La dernière forêt (netflix)
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