Du 8 mai au 28 septembre 2025, le Domaine départemental de la Roche-Jagu ouvre ses portes à une exposition d’exception : L’Esprit de la Nature – Arts des peuples autochtones d’Amérique du Nord. À travers un grand nombre d’objets issus de collections privées et de musées français, nous sommes inviter à plonger dans l’univers artistique et spirituel de nations autochtones profondément enracinées dans leurs territoires. Sculptures, parures, objets rituels ou quotidiens dialoguent avec les éléments naturels qui les ont inspirés, reflétant une vision du monde où le sacré et le quotidien, le vivant et l’objet ne font qu’un. Une immersion sensible et engagée au cœur des traditions…
Dans un monde où la nature est souvent réduite à une ressource, certaines civilisations continuent de la percevoir comme une entité vivante, sacrée et interconnectée. L’exposition L’Esprit de la Nature, présentée au Domaine départemental de la Roche-Jagu (Ploëzal, Côtes-d’Armor) du 8 mai au 28 septembre 2025, nous plonge dans les arts des peuples autochtones d’Amérique du Nord, révélant leur rapport intime et respectueux au vivant. À travers 165 objets rares issus de collections françaises publiques et privées, ce parcours immersif et sensible invite à redécouvrir une vision du monde où art, spiritualité, fonction et environnement ne font qu’un.

◆ Faire résonner la voix de la Terre
Loin des clichés persistants, l’exposition L’Esprit de la Nature entend restituer la pluralité des cultures autochtones d’Amérique du Nord en explorant leur production artistique à travers cinq grandes zones culturelles : l’Est et les Grands Lacs, les Plaines, le Sud-Ouest, le Grand Nord et la Côte Nord-Ouest. Ces objets : vêtements, masques, paniers, armes, poupées rituelles, ornements, ne sont pas seulement de magnifiques artefacts ethnographiques : ils sont les témoins vivants d’une relation spirituelle avec la nature, ancrée dans les traditions orales, les pratiques rituelles et les modes de vie des peuples autochtones.
Dans cette vision du monde, chaque élément : animal, plante, roche ou rivière, possède une âme. Créer un objet, c’est entrer en dialogue avec ces forces : c’est rendre visible l’invisible, incarner les récits cosmogoniques, honorer les ancêtres, remercier les esprits de la terre. L’art n’est pas décoratif mais nécessaire.
◆ Cinq mondes, cinq regards
L’exposition suit un fil géographique qui nous fait traverser des paysages aussi variés que les peuples qui les habitent. À l’Est, les forêts denses des Woodlands abritent les nations iroquoises, dont les célèbres Wampums et les cérémonies du calumet marquent les alliances et les transmissions. Les objets y racontent la vie quotidienne mais aussi les codes sociaux et politiques complexes de ces sociétés.
Dans les grandes Plaines, le bison règne en maître. Son rôle dépasse la simple subsistance; il structure les mythes, les cycles saisonniers, les arts de la chasse et de la guerre. Les boucliers rituels et les peaux peintes racontent la bravoure autant que les visions mystiques.
Au Sud-Ouest, là où le désert dialogue avec les hauteurs sacrées. L’architecture monumentale des Pueblos, les poteries peintes, les poupées Kachina hopi, les vanneries apache ou les bijoux navajo témoignent d’une culture où chaque geste artistique appelle à la fertilité, à l’harmonie avec les esprits et à la survie.
Dans les immensités glacées du Grand Nord, la création se fait rare et précieuse. Les peuples inuit, yupik et iñupiat sculptent dans la pierre, l’os ou l’ivoire pour honorer les animaux marins dont dépend leur survie. La chasse devient un acte sacré, et l’art un exutoire spirituel dans des conditions extrêmes.
Enfin, sur la Côte Nord-Ouest, c’est le bois qui devient la matière première du sacré. Les masques cérémoniels, les totems, les objets de prestige illustrent une société hiérarchisée mais fondée sur le partage dans laquelle chaque objet raconte un ancêtre, un exploit, un lien avec l’invisible.
◆ Une exposition vivante
Loin de figer ces cultures dans un passé révolu, l’exposition accorde une place essentielle à la parole autochtone contemporaine. Des extraits vidéo, des portraits photographiques et des textes de penseurs et d’artistes autochtones viennent enrichir le parcours. Parmi eux, la voix du professeur John Borrows ou du romancier Thomas King nous rappelle que les mots “Indien”, “Amérindien” ou “Autochtone” sont souvent des constructions externes, réductrices face à une mosaïque d’identités riches et mouvantes.
L’exposition s’appuie sur une rigueur scientifique, portée notamment par le spécialiste Fabrice Le Corguillé, mais elle ne se veut ni didactique ni muséale au sens classique puisqu’elle propose, au contraire, une expérience sensible, presque initiatique, dans un château ouvert sur la nature bretonne. Un écrin idéal pour profiter de ces formes d’art nées elles aussi du lien indéfectible entre les êtres et leur environnement.
L’Esprit de la Nature n’est pas qu’un simple parcours mais une une invitation à regarder autrement. En résonance avec la beauté sauvage du parc de la Roche-Jagu, cette exposition tisse des ponts entre différents mondes : le passé et le présent, les savoirs ancestraux et les préoccupations écologiques contemporaines, les peuples autochtones d’Amérique du Nord et les visiteurs européens en quête de compréhension subtiles. Ces objets, bien plus que des œuvres d’art, sont aussi des témoins vivants de cosmologies, de résistances, de liens intimes à la terre. En célébrant ces voix longtemps étouffées, le Domaine de la Roche-Jagu ouvre un espace de dialogue et de reconnexion dans lequel la nature n’est plus décor, mais un sujet, un guide et une mémoire.
« Il existe tout un monde de différence entre être un Indien et être un Anishinabe. Un Indien est une création de l’imagination européenne… Il n’y avait pas d’Indien sur nos territoires avant l’arrivée des Européens », John Borrows
Informations, horaires ou réservation de visites guidées
Exposition traduite en breton et en anglais.
Domaine départemental de la Roche-Jagu
22620 Ploëzal
Jessica Baucher
+ Crédit photo en-tête d’article : ©Pixabay
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