Le tapis rouge s’est déployé à Rouyn-Noranda, du 25 au 30 octobre, à l’occasion de la 44ᵉ édition du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT). En ouverture, le long métrage Capitaine du réalisateur innu William Mazzoleni-Valin, s’est imposé comme un événement marquant. Première œuvre de fiction au Québec où la langue innu-aimun tient le rôle principal, le film est produit par la maison Kassiwi Média, fondée par la productrice abénaquise Julie O’Bomsawin. Ensemble, ils ont proposé une fiction qui conjugue mémoire, filiation et résilience, et qui inscrit la culture autochtone au cœur du septième art québécois.
◆ Cinéma engagé
Capitaine marque le passage de William Mazzoleni-Valin au long métrage après des courts remarqués comme Le pigeon (Prix du public au FCIAT 2019) ou Pow-Wow, présenté à Cannes en 2018. Ce cinéaste originaire de Mashteuiatsh s’est donné pour mission de représenter les réalités autochtones dans un format accessible à tous, mêlant le drame intime et l’action. Il affirme : « C’est une fierté de voir un film autochtone ouvrir un festival aussi important. C’est un pas vers un cinéma qui nous ressemble et qui parle de nous, dans nos langues, avec nos mots et nos émotions ».

◆ Langue, mémoire et identité
Dans Capitaine, la langue innu-aimun n’est pas un simple symbole, mais la matrice du récit. Le film raconte l’histoire d’un ancien artilleur de la marine, aujourd’hui pêcheur, qui tente de transmettre à sa fille Mia son amour pour la mer et la liberté. Son passé douloureux, marqué par les pensionnats autochtones, refait surface lorsque celle-ci s’enfuit vers Montréal. Capitaine part alors à sa recherche, dans un voyage autant physique qu’émotionnel. Bien que le film évoque la Côte-Nord, le réalisateur explique que l’histoire aurait pu se dérouler dans n’importe quelle région éloignée du Québec : Saguenay, Abitibi ou Témiscamingue. « L’éloignement, la douleur et la guérison sont des expériences communes à beaucoup d’Autochtones, peu importe où ils vivent », résume-t-il.
◆ Authenticité
Sous la bannière de Kassiwi Média, qui signifie « ensemble » en abénaquis, Julie O’Bomsawin et William Mazzoleni-Valin ont réuni une équipe autochtone. Les comédiens Wayne Charles Baker et McKenzie Kahnekaro:roks Deer incarnent avec justesse les personnages principaux, tandis qu’une gardienne de la langue innue a accompagné la production afin d’assurer la justesse linguistique et culturelle. Le tournage, réalisé principalement sur l’eau, fait de la mer un véritable personnage : lieu d’apprentissage, de confrontation et de réconciliation. Julie O’Bomsawin souligne l’importance de cette approche : « Ce film montre qu’on peut créer dans nos langues, avec nos codes et  nos émotions, tout en restant universels ».

◆ Sous le signe de l’émotion
Lors de la soirée d’ouverture du FCIAT, la projection de Capitaine a suscité une vive émotion. Pour William Mazzoleni-Valin, qui avait déjà conquis Rouyn-Noranda avec Le pigeon en 2019, ce retour représentait un accomplissement : « Présenter la première mondiale ici, devant un public ouvert et curieux, c’est une façon de boucler la boucle et de rendre hommage à ceux qui m’ont encouragé à continuer ».
Capitaine s’impose comme une œuvre indispensable à plusieurs égards. Ce film met en lumière la richesse des langues autochtones et leur rôle dans la transmission des cultures. Il bouscule les représentations en proposant des personnages autochtones complexes et universels. Il aborde sans détour les blessures intergénérationnelles liées aux pensionnats, tout en célébrant la résilience et l’amour entre un père et sa fille. Enfin, il affirme la place croissante des artistes autochtones dans le cinéma québécois, non plus comme sujets, mais comme créateurs de leurs propres récits.
Avec Capitaine, William Mazzoleni-Valin et Julie O’Bomsawin livrent bien plus qu’un film d’ouverture… ils signent un acte de reconnaissance et d’affirmation. En faisant résonner la langue innue-aimun sur grand écran, en donnant à voir la force des liens familiaux et la beauté d’une culture vivante, ils participent à redéfinir le cinéma québécois contemporain. Le film n’est pas seulement un récit autochtone ; il est un miroir tendu à toute une société en quête de mémoire et de dialogue.
« Nos langues ont été réduites au silence trop longtemps. Aujourd’hui, c’est au cinéma qu’elles respirent à nouveau », 
William Mazzoleni-Valin
 
Jessica Baucher 
La date de sortie en France n’est pas encore connue mais ce sera un film à ne pas manquer !
Photo en tête d’article : Capitaine©Entract Films
 
 			  
 			  
 			  
															


 
															 
															 
             
             
															
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