fbpx
©Pixabay

Philippines : s’inspirer des maisons des Manobos pour résister aux changements climatiques





Le peuple indigène Manobo vit dans une vaste zone humide des Philippines, malgré les dizaines de tempêtes et d’inondations qu’il subit chaque année. Que pouvons-nous apprendre d’eux ? Fin 2012, un énorme typhon, connu sous le nom de Bopha ou Pablo, a frappé les villages de la communauté indigène Manobo dans le sud des Philippines. Les pluies ont fait monter de dix mètres le niveau des eaux des marais d’Agusan, une vaste zone humide protégée de quelque 14 800 hectares comprenant des marécages, des tourbières et 59 lacs, nichée au cœur de Mindanao, la deuxième plus grande île des Philippines. Mais les maisons des villageois, au lieu d’être inondées, sont simplement montées avec l’eau, grâce à une technique ancienne qui leur permet de flotter.





Les seigneurs des marécages
Les Manobos représentent la communauté indigène la plus importante de Mindanao. Ces hommes résultent du mélange des Indonésiens, des Malais et des aborigènes, sous l’empire Sri Visayan au 11 e et 12 e siècle. « Notre communauté n’avait jamais connu une telle tempête. Les vents hurlaient si fort, et la pluie s’est déversée pendant des heures. Nous avons rassemblé tout le monde pour nous réfugier à l’intérieur de la salle tribale flottante, en espérant que tout irait pour le mieux », raconte la chef de la communauté, Marites Babanto. La tempête a tué près de 2 000 personnes et causé des destructions massives aux Philippines. Cependant, aucun dégât n’a été constaté dans les villages Manobo. Leurs maisons sont construites sur des plateformes flottantes juchées sur d’énormes troncs d’arbres en guise de flotteurs et réalisées en bambou et en bois de balsa. C’est un moyen traditionnel de faire face aux caprices des marais et aux tempêtes régulières. Les constructions se sont avérées robustes, même face à ce typhon exceptionnellement puissant.





©Pixabay



 Un monde flottant
Dans les marais d’Agusan, où vivent environ 290 000 membres de la communauté Manobo, il n’y a ni routes ni trottoirs ; les maisons et les quartiers sont reliés par des rivières et des lacs. Maisons familiales et communautaires, écoles, chapelles, fermes d’élevage, toutes sont flottantes. Les enfants vont à l’école à bord de leurs propres barotos, des petites embarcations taillées dans des bois d’espèces locales. Les inondations sont un événement annuel dans les communautés marécageuses, car les pluies saisonnières des mois de décembre à mars font monter le niveau de l’eau. Pendant les saisons sèches, l’eau se retire et les maisons reposent sur la terre sur leurs gros flotteurs. Pour s’adapter à cette fluctuation extrême, la communauté construit traditionnellement des maisons à un ou deux étages sur des plates-formes qui ressemblent à des radeaux. Le bois flotte grâce à des poches d’air naturelles. Les plates-formes sont ancrées à l’aide de cordes robustes et de lianes enroulées autour d’arbres bangkal, un arbre indigène des zones humides qui pousse immergé au milieu du lac et des marécages inondés.

Dans des pays archipels comme les Philippines et l’Indonésie, les maisons flottantes sont considérées comme une solution potentielle pour les communautés menacées par les inondations et l’élévation du niveau de la mer. Cette technique suscite un intérêt croissant de la part des chercheurs qui y voient des enseignements importants pour d’autres communautés qui se préparent à des conditions météorologiques de plus en plus extrêmes. Des pays comme les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande ont mis au point des maisons flottantes modernes, renforcées par de l’acier et du béton, pour s’adapter aux fluctuations du niveau des mers et aux vents violents. Et des bureaux d’études au Vietnam, au Panama planchent sur ce type de de constructions résilientes et éco-responsables.


◆ Entre terre et eau
Francisca Mejia, architecte philippine et chercheuse en urbanisme à l’université technologique de Delft aux Pays-Bas, estime que le monde doit s’inspirer davantage des cultures indigènes telles que celle des Manobos pour aborder la question du changement climatique et de ses conséquences. Ce ne sont pas tant les matériaux et une technique spécifique qui rendent les maisons flottantes résistantes, mais plutôt la façon fondamentale dont les Manobos et d’autres peuples indigènes des Philippines abordent la conception des bâtiments, en harmonie avec leur environnement. « Les phénomènes climatiques extrêmes tels que les inondations, les tempêtes et maintenant les sécheresses ont également fait évoluer leurs méthodes de construction, explique M. Mejia. Mais les principes fondamentaux de ces constructions restent les mêmes. Il s’agit notamment de l’utilisation de matériaux locaux renouvelables, d’une structure en bois dynamique et flexible qui se plie et flotte pour s’adapter aux éléments de la nature, ainsi que d’une tradition consistant à concevoir et à créer les maisons ensemble, en tant que communauté », explique-t-elle. Elle décrit comment la structure résultante s’adapte à la nature de plusieurs façons : le toit à forte pente permet à l’eau de s’écouler et de refroidir la maison pendant les mois les plus chauds ; le système flottant signifie que la maison entière monte et descend avec l’eau et peut même être déplacée vers une autre partie du marais si nécessaire ; et pendant les saisons météorologiquement plus stables, les habitants relient leurs maisons pour assurer la sécurité de la communauté.

Les Philippines subissent environ vingt tempêtes ou cyclones majeurs chaque année, survenant pour la plus grande partie durant la saison des pluies.




Brigitte Postel avec la BBC


+ Crédit photo en-tête d’article : ©Pixabay


Partagez
No Comments

Sorry, the comment form is closed at this time.

C'est Noël !

Un chouette pack pour plus de lecture au coin du feu et un cadeau engagé pour lequel vous participez à diffuser la voix des peuples racines et à préserver la  transmission des sagesses ancestrales !

Pour un abonnement de 1 an, recevez 5 numéros au lieu de 4 !*

Pour un abonnement de 2 ans et plus, le recueil regroupant les trois premiers numéros épuisés est OFFERT (valeur 25€)

Offre valable jusqu'au 31 décembre