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Nouvelles mobilisations en Ouganda et Tanzanie contre les projets de TotalEnergies

TotalEnergies, avec l’appui de l’État ougandais, projette de forer 426 puits de pétrole en Ouganda et d’acheminer, à travers l’Ouganda et la Tanzanie, ce pétrole brut en enfouissant un oléoduc chauffé sur plus de 1 440 km.  Les communautés affectées par ce mégaprojet d’exploitation continuent de se battre pour l’empêcher et faire respecter les promesses de compensation non tenues par les Autorités.


TotalEnergies pilote deux projets en Afrique de l’Est. Le premier, nommée Tilenga, concernera le pompage et le traitement du pétrole (31 zones d’extraction, 426 puits et une usine de traitement). Pour cette partie production en Ouganda, les actionnaires sont TotalEnergies (56,67 %), CNOOC (Chine, 28,33 %) et l’Uganda National Oil Company (UNOC, 15 %). Le second projet : East African Crude Oil Pipeline (EACOP), doit permettre de construire le plus long oléoduc souterrain chauffé au monde, à travers l’Ouganda et la Tanzanie jusqu’au port de Tanga sur l’océan Indien, d’où partiront les tankers. Pour l’oléoduc EACOP, les actionnaires sont TotalEnergies (62 %), l’UNOC (15 %), la Tanzania Petroleum Development Corporation (TPDC, 15 %) et le Chinois CNOOC (8 %).


©Pixabay




En Ouganda, la multinationale (majoritaire) s’est vu attribuer 10 % de la surface du parc national le plus visité du pays, dont la biodiversité est remarquable, pour y installer une dizaine de sites d’extraction. Et en Tanzanie, l’oléoduc doit longer une zone protégée. Ce qui suscite des vives oppositions de la part des populations affectées par ces projets.



Ainsi, en Ouganda, ce 26 août 2024, environ trois cents membres de la communauté de Hoima ont été empêchés de présenter leurs doléances au bureau de l’EACOP situé dans cette même ville. Dans le même temps, vingt jeunes activistes et personnesaffectées par le projet ont été arrêtés par la police à Kampala et placés en détention provisoire à la prison de Luzira jusqu’au 3 septembre pour ce qui est qualifié de « nuisance publique ». Les manifestants réclamaient une indemnisation équitable, la fin des déplacements de populations et l’arrêt de la destruction de l’environnement.

Après l’Ouganda, ce sont des citoyens tanzaniens déplacés par ce projet qui ont interpellé le géant français de l’énergie et les gouvernements. Alors qu’ils avaient l’intention de remettre une pétition exposant leurs griefs à EACOP, les manifestants ont été arrêtés avant d’entrer dans les locaux et dirigés vers le bureau principal de Dar es Salaam. Ils ont scandé des slogans #StopEACOP et ont prononcé un bref discours sur les raisons de leur rassemblement, y compris un message de solidarité avec leurs homologues ougandais arrêtés à Kampala.



Menaces écologiques
La manifestation s’est concentrée sur des questions cruciales qui ne peuvent plus être ignorées. Par exemple, à Chongoleani, les pêcheurs se sont plaints de changements défavorables à leur mode de vie, notamment de l’augmentation de la pollution sonore due aux forages, qui a réduit les prises de poissons. Les personnes affectées par le projet ont fait part de leurs préoccupations concernant les besoins alimentaires non satisfaits et le rationnement insuffisant de la nourriture, ce qui n’est pas conforme aux promesses faites. L’absence de compensation équitable pour les pêcheurs et les agriculteurs déplacés, qui a plongé des communautés entières dans la pauvreté, est peut-être le plus inquiétant. Selon le géant pétrolier français, cinq mille personnes seront déplacées et relogées à ses frais. Mais l’ONG Human Rights Watch compte, elle, plutôt cent mille personnes impactées.

Même si TotalEnergies affirme que l’EACOP est dans l’intérêt du peuple ougandais, ce sont les communautés locales qui souffrent en priorité des impacts environnementaux, de la dépossession des terres et de la perte de la flore et de la faune. Pour Francis Perrin, Directeur de recherche à l’IRIS et spécialiste des problématiques énergétiques, « mettre l’accent uniquement sur TotalEnergies, même si le groupe français joue un rôle majeur dans ce projet, c’est oublier le fait que le projet de développement du lac Albert concerne aussi un géant chinois, deux compagnies nationales et les gouvernements de l’Ouganda et de la Tanzanie qui soutiennent ce projet parce qu’ils pensent, à tort ou à raison, qu’il aura un impact globalement positif pour leurs pays. » Si les autorités concernées, dont la Chambre africaine de l’énergie (AEC), affirment que « l’exploitation des combustibles fossiles réduira la pauvreté énergétique sur le continent », l’association StopEACOP avance « que les oléoducs tels que l’EACOP sont là pour exporter le pétrole afin de répondre aux besoins énergétiques à l’étranger ! Comment peut-on considérer que l’exportation de pétrole, la destruction de nos moyens de subsistance et de nos terres fertiles, et le risque de déversement de pétrole dans nos zones humides fournissent de l’énergie à quelque 600 millions d’Africains pauvres en énergie ? »


On ne saurait trop insister sur les risques écologiques associés au projet. Certains manifestants ont expliqué le risque de destruction des ressources marines, notamment des précieux récifs coralliens. Pire encore, il est prévu d’abattre quarante hectares de mangroves, qui absorbent de grandes quantités de gaz à effet de serre, pour

construire ce pipeline, ce qui entraînera une augmentation catastrophique des gaz à effet de serre. En outre, il existe un risque de marée noire dans les zones
entourant l’océan Indien et le bassin du lac Victoria
, ce qui met en jeu la vie de millions de personnes. 2 000 km 2  d’habitats fauniques protégés sont menacés par Eacop, établit un rapport d’octobre 2022 de Survie et des Amis de la Terre France. Par ailleurs, selon une étude de l’Institut pour la responsabilité climatique, les émissions de CO2 de l’oléoduc et de son fonctionnement sur les deux décennies à venir seraient supérieures à 15 fois les émissions annuelles de la Tanzanie et de l’Ouganda réunis.

Brigitte Postel



*Pour aller plus loin :
https://www.stopeacop.net/
– Voir la carte du projet
– Voir également l’interview de Francis Perrin






+ Crédit photo en-tête d’article : ©Pixabay



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