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Raids meurtriers à répétition contre les Batwa : arrêtons le financement des zones de « conservation-forteresse »





En 2022, un rapport de Minority Rights Group International, a confirmé que les peuples batwa vivant dans le parc national de Kahuzi-Biega en République démocratique du Congo, avait subi au cours des dernières années de multiples atrocités, notamment des viols collectifs, des tortures et des meurtres, en plus des incendies de leurs villages. Selon le Forest Peoples Programme et Survival International qui ont, entre autres, dénoncé ces exactions, « les violences font partie d’un schéma clair d’abus horribles commis dans le cadre de projets de conservation de la nature ». Les responsables sont l’armée congolaise et les gardes forestiers qui patrouillent dans ce parc réputé pour organiser des randonnées d’observation des gorilles des plaines. Ces attaques répétées et bien documentées ont été menées dans le but de chasser le peuple autochtone batwa de leurs terres ancestrales, annexées pour créer le parc. Expulsés de leurs forêts dans les années 1970, ils vivent pour la plupart à l’extérieur du parc, dans des conditions de pauvreté absolue, mais certains ont tenté de retourner sur leurs terres à l’intérieur du parc en 2018 afin de subvenir à leurs besoins de base, après la promesse des autorités du parc d’établir un projet pilote leur garantissant un accès à plusieurs zones du parc.



 Complicité des soutiens internationaux ?
Le rapport note qu’il est « choquant de constater que les agences de financement européennes et américaines, ainsi que la Wildlife Conservation Society, semblent avoir violé un embargo sur les armes imposé par l’ONU en soutenant les activités paramilitaires du parc sans en informer le Conseil de sécurité de l’ONU. En outre, elles continuent de financer les responsables en dépit du fait qu’ils étaient au courant des abus. » Il indique également « que ces abus effroyables ne sont pas des incidents isolés menés par des agents véreux, mais font partie d’une politique institutionnelle approuvée et planifiée au plus haut niveau par les dirigeants du parc ». La France, par le biais de l’Agence française de développement (AFD), prévoyait aussi de financer le parc mais la Secrétaire d’État chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux, Chrysoula Zacharopoulou, a annoncé en juillet au Sénat que le projet avait été définitivement abandonné. Dans une réponse au sénateur Guillaume Gontard, Madame Zacharopoulou a déclaré : “ Le gouvernement congolais nous avait sollicités, mais nous avons eu des soupçons sur le respect des populations autochtones, nous avons donc décidé de demander à l’AFD de suspendre l’instruction, puis nous avons abandonné ce projet, par respect des droits humains ». Toutefois, le gouvernement allemand qui finance le parc par le biais de ses agences de développement, a jusqu’à présent refusé les demandes de Survival International et d’autres organisations de défense des droits humains d’annuler ses financements au parc de Kahuzi-Biega. Depuis octobre 2022, il a versé environ 617 000 euros. Linda Poppe, directrice de Survival en Allemagne, a salué sur twitter la décision française, la qualifiant « d’historique ». Et d’ajouter : « Nous sommes évidemment très satisfaits que le gouvernement français ait enfin fait preuve de bon sens et abandonné son projet de verser des centaines de milliers d’euros à ce parc tristement célèbre, mais nous sommes consternés par le fait que le gouvernement allemand semble vouloir poursuivre dans cette voie. Quelle quantité de sang devra être versée, combien de femmes violées, combien de maisons brûlées, avant que les autorités allemandes reconnaissent enfin que le modèle de conservation-forteresse sur lequel le parc est fondé est profondément défaillant ?».





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 Les gorilles privilégiés au détriment des populations natives
Kahuzi-Biega est l’un des plus grands parcs nationaux du pays. Il abrite une grande biodiversité, dont 136 espèces de mammifères protégées, comme la plus importante population de gorilles des plaines (Gorilla beringei graueri), une espèce menacée. Depuis que le parc a été créé en 1970, plus de 6 000 Batwa ont été déplacés et ont dû quitter leurs terres ancestrales. On estime actuellement qu’environ 10 000 Batwa vivent aux alentours du parc, sans accès à leurs moyens traditionnels de subsistance que sont la chasse et la cueillette d’herbes médicinales. Et sans les compensations attendues, notamment des terres agricoles, des cliniques et des écoles que le gouvernement leur avait promises. Ce type de modèle de « conservation-forteresse », où les populations locales et autochtones ont été déplacées de leurs terres ancestrales – sans aucune considération de leur rôle dans la protection de l’environnement et de leurs moyens de survivre – est dénoncé par de nombreuses associations.
En 2021, l’Initiative for Equality a lancé une pétition réclamant une enquête par le gouvernement de la RDC, le rapporteur spécial pour les droits des peuples autochtones de l’ONU, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) et l’UNESCO sur les récentes attaques. https://www.initiativeforequality.org/petition-calling-cessation-serious-attacks-indigenous-batwa-people/. Et en 2022, Jennifer Castello, responsable juridique de Minority Rights Group, lors du dialogue interactif du Conseil des droits de l’homme avec la rapporteure spéciale sur la violence à l’égard des femmes, a exhorté la RDC à mettre fin à l’impunité des responsables de violences contre les filles et femmes autochtones. « Véritable arme de contrôle et de domination, les violences sexuelles commises contre les femmes Batwa restent sous silence et ces dernières sont souvent réticentes à les dénoncer à cause de l’omerta et de l’impunité qui règnent. » https://minorityrights.org/2022/06/22/drc-violence/.



Brigitte Postel


+ Crédit photo en-tête d’article : ©Pixabay


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