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©Produção Cultural no Brasil, CC BY-SA 2.0 , via Wikimedia Commons

Ailton Krenak : premier écrivain indigène élu à l’Académie brésilienne des lettres





Écrivain, ancien journaliste, philosophe et figure éminente des luttes pour la défense des peuples autochtones du Brésil, Ailton Krenak, qui utilise le nom de son ethnie, est devenu le premier représentant indigène à rejoindre l’Académie brésilienne des lettres en octobre de cette année. Il occupera le fauteuil numéro 5, qui appartenait à José Murilo de Carvalho, décédé en août. Né en 1953 dans la municipalité d’Itabirinha, dans l’État de Minas Gerais, dans la région du Rio Doce, il est contraint à l’âge de 9 ans de quitter avec son peuple les terres de ses ancêtres, réquisitionnées par les Autorités. Après des déplacements successifs, il émigre à 17 ans avec sa famille dans l’État du Paraná, où il apprend à lire et à écrire et devient imprimeur puis journaliste.


Défense des droits des indigènes
Dans les années 1970, il participe à la création de l’Union des nations indigènes, le premier mouvement d’expression nationale, qui s’est heurté à la résistance de la dictature militaire (1964-1985). Sa vie est un long combat pour la reconnaissance des peuples autochtones auxquels il se consacre exclusivement à partir des années 1980. De ses expériences et rencontres avec les tribus spoliées naissent alors sa réflexion et sa lutte. En 1985, il fonde l’organisation non gouvernementale Núcleo de Cultura Indígena, qui vise à promouvoir la culture indigène.
En 1988, il participe à la fondation de l’Union des peuples indigènes, une organisation qui a pour but de représenter les intérêts des indigènes sur la scène nationale. L’année suivante, il participe à l’Alliance des peuples de la forêt, un mouvement visant à établir des réserves naturelles en Amazonie.
Le 18 février 2016, l’Université fédérale de Juiz de Fora (UFJF) décerne à Krenak le titre de professeur docteur honoris causa, en reconnaissance de son engagement dans la lutte pour les droits des peuples indigènes et les causes environnementales au Brésil.
Ailton Krenak a joué un rôle important dans la rédaction de l’article relatif aux peuples autochtones pour reconnaître les droits territoriaux indigènes dans la nouvelle Constitution brésilienne de 1988. Rédigée après la longue dictature militaire, elle garantit enfin aux populations indigènes le droit d’occuper leurs terres ancestrales, délimitées par l’Etat. De 2003 à 2010, il est assistant spécial pour les affaires autochtones du gouverneur de Minas Gerais. 
En 2015, les terres traditionnelles du peuple krenak ainsi que la rivière Rio Doce sont ravagées par une coulée de boues toxiques provoquée par la rupture du barrage de retenue de minerais de l’entreprise Samarco. Considérée comme le plus grand crime socio-environnemental jamais enregistré au Brésil, cette catastrophe a touché un grand nombre de populations indigènes vivant de la pêche dans le Rio Doce. « Watu, qui est le nom que nous donnons à cette rivière, est une entité ; elle a une personnalité. Ce n’est pas une « ressource » […] La rivière est dans le coma. D’une certaine manière, cet état de préparation dont les gens font l’expérience sur les berges les plonge dans le même état symbolique de coma que celui dans lequel se trouve le corps de la rivière. C’est tellement effrayant que j’ai du mal à parler du Watu sans me mettre en colère », écrit -il dans le livre Indigenous Peoples in Brazil 2011-2015. Toute vie est annihilée sur plus de 600 km. Le fond du rio est devenu « une moquette pourrie » selon ses termes.





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 Une réparation historique
En devenant le premier indigène élu à l’Académie brésilienne des lettres, Ailton Krenak a obtenu une « réparation historique » selon ses propres mots. La plus haute instance littéraire du Brésil, a déclaré que l’élection du poète et philosophe Krenak « réaffirme son engagement à promouvoir la diversité et l’inclusion ». « Ailton Krenak est un écrivain de renom et une figure centrale du mouvement littéraire indigène du pays. Sa voix est fondamentale actuellement, pour être un lien entre le riche patrimoine culturel et historique des peuples indigènes et la littérature nationale », a également déclaré l’Académie sur les réseaux sociaux.
Ses huit livres publiés au cours des quatre dernières années, Ideias para adiar o fim do mundo (Idées pour retarder la fin du monde) (Companhia das Letras, 2019) et Demain n’est pas à vendre (Éditions Dehors, 2020) sont des récits critiques sur les conséquences du capitalisme, la relation agressive entre la nature et le système de production et de consommation de la civilisation occidentale. « Le Blanc, dans le sens ontologique, est un Autre qui a fait un choix radicalement opposé au nôtre. Il veut manger le monde. Et nous, nous pensons que nous sommes le monde. Et nous pensons que le Blanc veut nous manger. Quand il mange la forêt et se met à tout dévaster, à arracher l’or et le minerai, il nous mange, nous la chair de la terre. » (1)


◆ Prix et reconnaissances
En 2015, il reçoit l’Ordre du Mérite culturel et en 2016, un doctorat honorifique de l’Université Fédérale de Juiz de Fora où il enseigne les cultures indigènes.

2020 : Prix Juca Pato de l’intellectuel de l’année, décerné par l’Union brésilienne des écrivains.

2021 : Titre de docteur honoris causa décerné par l’Université de Brasilia.

2023 : Reprend le fauteuil numéro 5 de l’Académie brésilienne des lettres, laissé vacant par José Murilo de Carvalho.



1 – Extrait de l’entretien réalisé dans le cadre du Master Ecopoétique et création d’Aix-Marseille en décembre 2020 et traduit du portugais par Oiara Bonilla. Publié sur le site diacritik.com

Un texte d’Ailton Krenak, « Demain n’est pas à vendre », a été publié dans NATIVES N°2, pages 106 à 110.



Brigitte Postel


+ Crédit photo en-tête d’article : ©Produção Cultural no Brasil, CC BY-SA 2.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0, via Wikimedia Commons


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