De Deauville à Versailles, en passant par l’Assemblée nationale, Nice, Nancy et Strasbourg, le jeune cacique Tau Metuktire, petit-fils de Raoni, porte haut la voix des peuples autochtones. À l’initiative de l’ONG Planète Amazone, il mène une tournée inédite en France pour alerter sur l’urgence climatique et les menaces qui pèsent sur l’Amazonie. À travers le projet : « Amazonie, Cœur de la Terre-Mère », il appelle à une révolution éducative, politique et spirituelle mondiale, en amont de la COP30.
◆ Tau Metuktire, l’héritier d’un combat planétaire
Bepkamro (son nom kayapó signifiant « poisson vif des flots » ) est né au cœur de la forêt amazonienne, dans l’État du Mato Grosso, dans un territoire Kayapó aujourd’hui encerclé par la déforestation illégale et les intérêts agro-industriels. Fils spirituel du cacique Raoni, figure emblématique de la lutte indigène internationale depuis les années 1980, Tau a été formé très jeune aux responsabilités politiques, culturelles et rituelles. À 15 ans, il connaît déjà les chants sacrés; à 16 ans , il assistait son grand-père face aux autorités brésiliennes. Aujourd’hui quadragénaire, il est reconnu comme chef par plusieurs assemblées autochtones , enseigne dans son village, et incarne la relève d’un combat mondial , mêlant traditions ancestrales et diplomatie internationale.

◆ Faire entendre la forêt
Depuis fin mai 2025, Tau sillonne la France pour alerter, sensibiliser et tisser des alliances. À Deauville, il a interpelé directement les citoyens, notamment les jeunes :
« Vous devez être plus vigilants et penser au futur », a-t-il répété dans un amphithéâtre comble, les yeux rivés sur les collégiens.
À Nancy, il a participé à un ciné-débat universitaire sur les droits autochtones et la biodiversité, aux côtés de chercheurs, étudiants et militants. À l’Assemblée nationale, il a plaidé devant la Commission des Affaires étrangères pour que la France défende activement les droits des peuples indigènes dans les négociations climatiques internationales. Il a également été reçu à Versailles, pour représenter Raoni lors d’une cérémonie exceptionnelle de Doctorat Honoris Causa.
Sa parole, ancrée dans la sagesse kayapó, traverse les enceintes françaises avec la gravité d’un avertissement : « Ce qui arrive en Amazonie vous arrivera aussi. »
◆ Les quatre axes d’un projet mondial : Amazonia, Cœur de la Terre-Mère
Le projet Amazonia, Cœur de la Terre-Mère, porté par Tau Metuktire et l’ONG Planète Amazone, s’appuie sur une démarche globale qui vise à transformer en profondeur notre relation à la forêt et aux peuples autochtones. Il commence par reconnecter l’éducation au vivant, en initiant des jumelages entre écoles européennes et villages amazoniens. Grâce à des échanges de lettres, de vidéos et de supports pédagogiques, les jeunes découvrent des visions du monde souvent méconnues, où la nature est respectée comme un être vivant, porteur de sens et de savoirs. Cette démarche cherche à former des « citoyens-terriens » capables de comprendre l’interdépendance de tous les êtres et de penser à un futur collectif, en rupture avec une éducation centrée sur la compétition et l’exploitation des ressources.
Parallèlement, le projet renforce les capacités des peuples autochtones à préserver leurs cultures et à défendre leurs droits sur la scène internationale. Des ateliers de formation à la communication numérique, à la documentation audiovisuelle et au plaidoyer politique permettent aux communautés de faire entendre leur voix sans médiation. Tau Metuktire dénonce notamment avec vigueur l’accord Mercosur–Union européenne, qu’il qualifie d’alliance économique meurtrière pour les forêts. En favorisant les exportations de viande, soja ou bois issus de zones déforestées, ce traité menace directement la biodiversité et les droits des peuples. Lors de son passage à Nice, il a ainsi rejoint l’appel des peuples de la forêt et des agriculteurs français à bloquer ce traité destructeur.
De plus, Tau insiste sur la nécessité de reconnaître et de valoriser les savoirs écologiques ancestraux des peuples autochtones, qui détiennent des solutions éprouvées face aux crises environnementales. Leur maîtrise de l’agroforesterie, des cycles naturels et des pharmacopées constitue un modèle à suivre pour reconstruire une relation équilibrée au vivant. Selon lui, la forêt n’est pas une simple ressource à exploiter, mais un être vivant dont il faut respecter la dimension spirituelle. La transition écologique doit ainsi être envisagée non seulement comme une mutation technique, mais aussi comme une transformation intérieure, sociale et politique.
Enfin, le projet prépare la création d’une Coalition Amazonia, un réseau international rassemblant villes, écoles, ONG, élus, jeunes et communautés autochtones. Cette alliance vise à porter ensemble la voix des peuples de la forêt jusqu’à la COP30 à Belém en 2025, puis lors d’une Assemblée mondiale des Gardiens de la Terre en 2027. En dépassant les clivages Nord-Sud, cette coalition réunit les luttes des peuples autochtones, des agriculteurs durables, des jeunes militants pour le climat et des chercheurs écologistes, dans une perspective commune de justice planétaire. Elle incarne ainsi une nouvelle diplomatie du vivant fondée sur la solidarité, la diversité culturelle et la défense des droits humains.

La tournée française de Tau Metuktire n’est pas une visite protocolaire, c’est une déclaration d’urgence . Elle met la France face à ses responsabilités : en tant que partenaire commercial, puissance diplomatique, mais aussi comme société civile capable d’agir. À travers l’Amazonie, Cœur de la Terre-Mère , Tau propose une voie d’alliance inédite : un pont entre les forêts du Sud et les institutions du Nord, entre les anciens et les enfants, entre le vivant et la politique. Ce qu’il incarne, ce n’est pas un folklore exotique, c’est une diplomatie du vivant , une parole du monde d’après. À chacun désormais de répondre à l’appel.
« La Terre est vivante. Elle souffre. Et si vous ne l’écoutez pas maintenant, elle parlera autrement »,
Tau Metuktire, Deauville, mai 2025
Jessica Baucher
+ Crédit photo en-tête d’article : ©France TV
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