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Guillermo Lasso, vêtu de l'écharpe de son pays, lors de son investiture en 2021

L’Équateur s’enfonce dans une crise sociale majeure

Onzième jour de grève générale en Équateur. Depuis le lundi 13 juin, un mouvement de contestation sociale important s’est formé dans le pays, à l’appel de la confédération des nationalités indigènes de l’Équateur et d’autres organisations de travailleurs. Le dialogue a été rompu avec le président équatorien, qui refuse d’entendre les revendications des représentants autochtones.

L’instabilité règne en Équateur. Depuis onze jours, des manifestations ont éclaté dans le pays à l’appel de la CONAIE (confédération des nationalités indigènes de l’Équateur.) Vendredi dernier lors d’une allocution télévisée, le président conservateur Guillermo Lasso a décrété l’état d’urgence dans trois provinces du pays. « Je m’engage à défendre notre capitale et à défendre le pays. Cela m’oblige à déclarer l’état d’urgence à Pichincha, Imbabura et Cotopaxi », a-t-il déclaré devant le peuple équatorien.

Manifestation dans la province de Morona-Santiago, ©CONFENIAE

Les tensions se concentrent notamment à Quito, la capitale du pays située dans la province de Pichincha. Cependant, dans la nuit de lundi à mardi, l’état d’urgence a été étendu à trois autres provinces du pays. Celui-ci a pris effet dès vendredi dernier à minuit, ce pour une durée de trente jours, sauf prorogation.

Dans la plupart des pays d’Amérique Latine, les mouvements autochtones prennent de l’ampleur. L’Équateur ne fait pas exception à la règle. Après des mois de négociations, le dialogue a été rompu entre le gouvernement et plusieurs organisations autochtones et syndicales, dont la CONAIE. Cette puissante organisation, représentante principale des peuples autochtones équatoriens, était déjà présente dans les conflits passés et souhaite de nouveau s’imposer aujourd’hui afin d’obtenir des garanties sur les revendications qu’elle porte.

L’organisation a établi une liste de dix propositions, parmi lesquelles la baisse des prix du carburant. En presque un an, le prix du gallon de diesel a bondi de 90 % dans le pays, grimpant à 1,90 dollar. Celui de l’essence a quant à lui augmenté de 46 %, passant à 2,55 dollars. Cette explosion des prix touche directement les populations pauvres du pays.

Elle réclame également le respect, l’affirmation et la protection des identités et des terres autochtones de l’Équateur. Cela concerne par exemple l’arrêt des projets miniers et pétroliers sur les territoires autochtones, mais aussi la mise en place d’un enseignement interculturel bilingue, ou encore la libre autodétermination des communautés autochtones vivant sur le sol équatorien. En clair, la CONAIE formule un véritable rejet des politiques néolibérales du gouvernement équatorien.

Manifestant touché par un tir de gaz lacrymogène, ©CONAIE

Répression violente

Depuis le début de la contestation le 13 juin, plus de quatre-vingt-sept civils auraient été arrêtés, et il y aurait eu deux morts et plus de quatre-vingt-dix blessés selon l’Alliance des droits humains de l’Équateur. Ces chiffres, non-officiels, vont constamment évoluer. L’un des deux disparus était un manifestant de 40 ans, natif du peuple Quechua. Il aurait été touché au visage par un tir de gaz lacrymogène d’après les déclarations de Lina María Espinosa, avocate rattachée à l’organisme précité.

Les affrontements ont principalement lieu la nuit dans certains quartiers de Quito, où sont rassemblés chaque jour plus de dix mille manifestants, selon les autorités. En plus de la police, l’armée nationale est mobilisée du fait de l’état d’urgence décrété dans cette région. Les forces de l’ordre n’hésitent pas à utiliser des gaz lacrymogènes pour disperser les foules. L’Alliance des droits humains de l’Équateur exprime à ce titre de vives inquiétudes face à la violence de l’État et face aux atteintes à la liberté de manifestation.

De son côté, l’exécutif se défend de toute violence. « Nous avons tendu la main, nous avons appelé au dialogue, mais ils ne veulent pas la paix, ils cherchent le chaos, ils veulent chasser le président », a affirmé le chef de l’État dans une vidéo sur son compte Twitter. Hier, le ministre de l’Intérieur Patricio Carrillo à quant à lui annoncé la disparition de dix-huit policiers dans l’est du pays, suite à l’attaque d’un poste de police. Du côté de la CONAIE, on réfute toute volonté de sédition : « Nous ne venons pas détruire, nous voulons des réponses et des avantages pour toutes et tous ».

Lors du débat au Parlement sur le décret 455 instaurant l’état d’urgence, le député équatorien Peter Carlo prend la parole, Asamblea Nacional del Ecuador, CC BY-SA

Face à ce théâtre d’affrontements, le Parlement équatorien souhaite calmer le jeu. Ce lundi, la session plénière de l’Assemblée nationale a rejeté certaines dispositions prévues par le décret d’état d’urgence, et a condamné la gestion de la crise sociale en cours par Guillermo Lasso. Avec 81 voix sur 137, le Parlement a exhorté le gouvernement à engager un dialogue « sérieux, clair et honnête » avec les organisations autochtones et syndicales. Il invite également d’autres organisations institutionnelles telles que l’ONU, la Croix-Rouge ou encore l’Église catholique à se réunir autour de la table pour amorcer une résolution du conflit.

L’Équateur, un pays coutumier des révoltes

Situé au nord du Pérou et à l’ouest de la Colombie, l’Équateur est un pays côtier d’Amérique latine. Depuis la fin de la dictature militaire en 1979, le pays est en proie à de fortes instabilités politiques. De 1997 à 2005, trois présidents ont été renversés suite à des soulèvements populaires, notamment appuyés par la CONAIE. Élu à la tête du pays depuis le 24 mai 2021, Guillermo Lasso ne semble pas réussir à conjurer le sort de cette instabilité.

La situation devrait rapidement évoluer ces prochains jours. En attendant, le leader de la CONAIE Leonidas Iza Salazar est prêt à rouvrir le dialogue avec les autorités, à condition que l’état d’urgence soit abrogé et qu’un parc de Quito occupé par la police soit démilitarisé.

Antoine Portoles

Photo en tête d’article : Après à peine un peu plus d’un an de mandat, le président Guillermo Lasso est déjà en difficulté dans son propre pays, Asamblea Nacional del Ecuador, CC BY-SA

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