La déforestation en Indonésie, particulièrement en Papouasie, est un problème récurrent qui menace à la fois les terres ancestrales des peuples autochtones, notamment les tribus papoues, et la biodiversité exceptionnelle de cette région. En cause, des mégaprojets agricoles et énergétiques du gouvernement, censés garantir l’autosuffisance du pays.
L’Indonésie possède la troisième plus grande surface de forêts tropicales au monde, après l’Amazonie et le bassin du Congo. Le mode de vie des Papous est intimement lié à la forêt, qui leur fournit nourriture, médecine, matériaux, et revêt une dimension spirituelle essentielle. Sa destruction brise donc un lien vital entre les Papous et leur
monde, leurs ancêtres, leurs morts, leurs êtres mythiques. Sans oublier que les projets industriels provoquent la destruction de villages, la pollution des rivières, la perte de biodiversité, etc.
Déjà en 2022, le chef de la tribu papoue des Hulis, Mundiya Kepanga, était venu témoigner à Paris à l’Unesco pendant l’Université de la Terre du drame de la déforestation et du réchauffement climatique pour son peuple. « Les autorités de notre pays ont accordé des baux agricoles spéciaux autorisant des sociétés forestières étrangères à couper nos forêts pour exporter le bois. En échange, elles devaient construire des routes, des hôpitaux et des écoles. Mais nous n’en avons jamais vu la couleur », se plaignait-il.

◆ Identité culturelle et territoriale menacée
Suite à la mobilisation des communautés papoues pour défendre leurs terres, souvent avec l’aide d’ONG locales et internationales, quelques progrès ont été réalisés en matière de lutte contre la déforestation, comme l’interdiction d’exporter des grumes bruts (bois encore couvert de son écorce) ou la révocation de quelques licences forestières jugées irrégulières. Le documentaire « Gardiens de la forêt », réalisé par Marc Dozier, a aussi permis une prise de conscience plus globale et attiré l’attention des médias sur la destruction des forêts pour l’huile de palme, le bois et plus récemment pour étendre les zones agricoles pour subvenir aux besoins alimentaires.
Or, actuellement, en Papouasie du Sud, le « Merauke Food and Energy Estate » (MIFEE), relancé sous le nom de « PSN Merauke », suscite de vives inquiétudes de la part des défenseurs de l’environnement. Prévu pour couvrir plus de 2 millions d’hectares, il implique la conversion massive de forêts, de marais et de terres coutumières en plantations de canne à sucre et de riz, ainsi que la construction d’usines de bioéthanol. Ce projet est soutenu par l’État indonésien et classé comme “projet stratégique national”, ce qui limite les possibilités de contestation locale Malgré les assurances gouvernementales, des défrichements ont déjà eu lieu, notamment pour des infrastructures liées au projet, ce que confirment des données satellitaires. Les communautés autochtones sont particulièrement affectées, qui dénoncent la confiscation de leurs terres sans consentement préalable, en violation des droits internationaux. Des témoignages rapportent même des pressions exercées par des entreprises, parfois avec le soutien de l’armée, pour forcer les habitants à céder leurs terres. En outre, de nombreux Papous ne disposent pas de titres fonciers officiels, ce qui facilite les accaparements de terres.
Selon Survival International et sauvonslaforêt.org, des organisations locales et internationales, telle que Solidaritas Merauke, appellent à l’arrêt immédiat du projet.
Elles mettent en avant les risques de violations des droits humains, de destruction écologique et de marginalisation des peuples autochtones. Des manifestations ont eu lieu, mais les autorités ont jusqu’à présent maintenu le cap. « Si ce projet est mis en œuvre, il pourrait devenir la plus grande opération de déforestation au monde, affectant directement une population autochtone de 40 000 personnes », révèle Solidaritas Merauke qui a déclaré « le rejet total des manœuvres qui visent à s’emparer des richesses populaires sous couvert de réformes politiques. Nous exigeons l’arrêt total et immédiat du Projet Stratégique National (PSN) et de tous les autres projets invoquant un prétendu « intérêt national » mais victimisant clairement les populations. Les auteurs de ces crimes étatico-corporatifs doivent restituer toutes les richesses volées aux populations et restaurer immédiatement leur santé et leur espace de vie dans toutes les zones sacrifiées au nom des intérêts nationaux. »
Brigitte Postel
+ Crédit photo en-tête d’article : ©Pixabay
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