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Sous le souffle des esprits amazoniens… au Quai Branly


L’exposition Amazônia – Créations et futurs autochtones, présentée au musée du Quai Branly – Jacques Chirac, du 30 septembre 2025 au 18 janvier 2026, offre une vision renouvelée de l’Amazonie. Loin des clichés de la forêt vierge immuable ou des peuples autochtones figés dans le temps, ce parcours met en lumière des mondes vivants. Entre les collections historiques du musée et les œuvres contemporaines portées par des artistes autochtones, cette exposition dialogue avec le présent : les traditions, les savoirs, les luttes et les imaginaires, et invite le public à reconsidérer le regard occidental porté sur ces cultures riches et diverses.



◆ Une posture curatoriale : faire entendre la voix autochtone
L’un des aspects les plus remarquables d’Amazônia est son orientation curatoriale. Le commissariat de l’exposition est assuré conjointement par Leandro Varison, anthropologue du musée du Quai Branly, et Denilson Baniwa, artiste et militant autochtone brésilien. Cette collaboration éclaire l’exposition d’une perspective interne, depuis les communautés elles-mêmes, plutôt que d’une observation extérieure. Il est ainsi proposé de repenser les notions de “collections ethnographiques”, de “patrimoine immatériel” et de ce qui constitue l’art traditionnel ou moderne. Les objets anciens ne sont plus seulement présentés comme témoignages du passé, mais comme éléments d’une continuité culturelle et esthétique toujours vivante.





Coiffe de plumes “Pariko” du peuple Boe-Bororo © Musée du quai Branly



 Un parcours où tradition et modernité s’entrelacent
Le visiteur est invité à parcourir un univers où les aspects rituels, mythologiques et artistiques se mêlent. L’exposition montre les cosmologies amazoniennes : la création du monde selon les récits tels que ceux des Iny Karaja ou des peuples du Rio Negro, et explore les rites de passage, les cérémonies de nomination, les liens avec les entités non humaines (animaux, plantes, esprits). Parallèlement, les œuvres contemporaines de photographies, d’installations, d’arts du corps et d’arts sonores, montrent que ces cultures autochtones ne vivent pas en marge du monde moderne, mais au contraire dialoguent avec lui, l’enrichissent et le transforment. Ces créations sont autant de gestes esthétiques que d’affirmations identitaires et politiques




◆ La diversité esthétique et le patrimoine immatériel
Outre les objets matériels (masques, ornements, textiles, etc.), Amazônia accorde une place importante aux arts éphémères et immatériels : la langue, les chants, les peintures corporelles, les savoirs oraux. Ces éléments soulignent que la culture autochtone ne peut être réduite aux objets conservés dans les vitrines : elle vit dans les rituels, les gestes, les paroles, dans les relations avec le milieu naturel. Cet accent sur l’immatériel est aussi un acte de résistance aux modes de patrimonialisation traditionnels qui tendent à figer les cultures, à les isoler dans des musées, loin de la temporalité vivante. 



◆ Enjeux contemporains : identité, écologie, futur

L’exposition ne se contente pas de présenter des œuvres ou des objets : elle engage aussi une réflexion sur les enjeux contemporains. Défense des territoires, érosion des savoirs traditionnels, rapports à la nature, reconnaissance des droits autochtones, etc., sont des fils rouges. Ce monde amazonien demeure profondément concerné par le présent et le devenir. La notion de futur autochtone – telle qu’elle est évoquée dans le titre – prend ici tout son sens : il s’agit de ne pas considérer les peuples autochtones comme relégués au passé, mais comme des acteurs pleinement actuels, qui inventent des façons de vivre, de créer et de transmettre dans un monde en mutation

Amazônia est une exposition essentielle parce qu’elle propose un changement de regard. Non plus l’Amazonie comme décor exotique ou lieu mythifié, mais comme territoire vivant, habité, traversé de poésie, de résistance, de pensée, de création. Le musée du Quai Branly joue ici un rôle de passeur de voix, permettant à des créateurs autochtones de raconter leurs histoires, leurs mondes, leur vision du passé, du présent et du futur. Pour le visiteur, c’est une invitation à écouter, à apprendre, à se défaire de stéréotypes, et à reconnaître la richesse de cultures souvent marginalisées.


Jessica Baucher




Amazônia – Créations et futurs autochtones, Du mardi 30 septembre 2025 au dimanche 18 janvier 2026 – Musée du quai Branly

37 quai Jacques Chirac, 75007 Paris (Musée du quai Branly – Jacques Chirac, boite arts graphiques)

Ouvert les mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche 10h30 à 19h00Réservation possible


*Pour aller plus loin :
Les coulisses de l’exposition par Léandro Varison




* Crédit photo en tête d’article : @Musée du Quai Branly – Jacques Chirac

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