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Je suis ce que je ne suis pas

Dans son essai autobiographique Pourquoi je ne suis pas une indienne, Daphnée Poirier, docteur en sociologie de l’Université du Québec à Montréal, questionne avec une profonde sincérité ses racines personnelles et celles de ses aïeuls. Elle explore le sujet de la transmission identitaire autochtone à travers son histoire familiale puis s’interroge sur les ressorts sociaux et institutionnels qui participent encore de nos jours à maintenir un système colonial au Canada.

Nettoyer l’arbre
« Je ne suis pas une indienne. Tout simplement parce que j’estime qu’il m’est impossible de revendiquer ce statut juridique, même si certains de mes ancêtres étaient abénaquis », écrit Daphnée dès les premières lignes de son livre. C’est à pas de tortue (comme celles figurant sur l’illustration de couverture de son ouvrage) qu’elle confie, avec beaucoup d’émotion, une part de son histoire familiale afin de montrer le défi identitaire qui est le sien et ainsi apporter un éclairage sur les liens ambigus entre les non-autochtones et les autochtones. Durant toute sa jeunesse, elle a traversé la réserve w8banaki d’Odanak pour aller rendre visite à ses grands-parents mais son appartenance à cette culture est cependant restée cachée jusqu’à la mort de son grand-père paternel. C’est à ce moment que sa grand-mère, “mémère Bibeau” et son oncle ont obtenu une carte d’Indiens inscrits. Daphnée Poirier ne souhaite pas réclamer cette carte même si cette idée l’obsède au point d’avoir décidé d’y consacrer un livre


Relier les branches

La seconde partie du livre, moins personnelle, est consacrée à une étude historique des conséquences du colonialisme et à une critique de son impact environnemental. La défense de l’environnement la touche particulièrement et c’est peut-être ce qui la relie profondément à ses racines autochtones bien qu’elle évite volontairement l’écueil d’une vision fantasmée des peuples premiers vivant harmonieusement avec la nature : « L’apport des Premières Nations est précieux pour la préservation de la Grande Tortue, voire vital pour l’avenir de notre planète et de nos enfants […] Je crois qu’il constitue une clef de valorisation identitaire des Autochtones », souligne-t-elle. Selon son analyse, se réconcilier avec la Terre et faire la paix avec les peuples autochtones relève de la même prise de conscience collective. La tortue qui revient sans cesse dans son livre est un symbole de sagesse et de persévérance qui incarne la Terre-mère sacrée pour les Abénaquis : « Selon les croyances ancestrales w8banaki, d’ailleurs, “les treize écailles centrales de la carapace des tortues représentent les treize lunes de l’année, et les vingt-huit écailles qui les entourent représentent les vingt-huit jours entre chaque lune ».


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Être autochtone ou ne pas être autochtone
Daphnée Poirier démontre tout au long de son essai qu’il ne suffit pas, selon elle, de justifier à tout prix que l’on a du sang autochtone qui coule dans les veines pour en revendiquer le statut. Elle pense être en mesure de le faire uniquement si un jour, elle se sent vraiment reliée directement à ses racines amérindiennes et connaît parfaitement cette culture jusqu’à en être imprégnée. Daphnée souhaite absolument souligner que le processus identitaire n’est pas instantané. Pourquoi je ne suis pas une indienne est avant tout une main tendue vers ceux de sa culture d’origine dans l’espoir de créer un lien avec eux et de pouvoir peut-être écrire dans quelques années Pourquoi je suis une indienne, a-t-elle confié dans un entretien pour Radio Canada !



©LES EDITIONS ECOSOCIÉTÉ


« En langue abénaquise, les mots “humain” et “nature” se traduisent tous deux par “alnobawogan”… ils sont inséparables », Daphnée Poirier


Jessica Baucher


Pour aller plus loin...
Lire le livre de Daphnée Poirier (ebook)
Entretien de Daphnée Poirier sur Radio Canada

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