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« Opep des forêts » : une mobilisation face à l’urgence environnementale et climatique

Du 26 au 28 octobre 2023 s’est tenu à Brazzaville le sommet international des trois bassins consacré à la défense des forêts tropicales. L’Opep des forêts, comme certains l’ont surnommée, composée des pays des trois principaux bassins de forêts primaires mondiales : Amazonie, Congo, Bornéo-Mékong, s’est réunie, accompagnée notamment du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et du président brésilien Lula. L’objectif était la création d’une « Alliance Mondiale des Trois Bassins » afin de faire face aux défis communs liés à la déforestation, fléau touchant ces trois zones forestières.



 Les causes et les conséquences

Ce sommet, initié par La République du Congo, souligne la pertinence d’une alliance pour faire face à la déforestation, touchant 80 % des forêts tropicales mondiales. Bien que ces bassins soient tous concernés, les causes sont multiples. En 2022, elle a augmenté de 4 %, principalement à cause de la transformation des forêts en terrains d’élevage ou agricoles. En Amazonie et en Asie du Sud-Est, elle est plus ancienne, tandis qu’elle est plus récente dans le bassin du Congo mais désormais plus rapide. Les causes sont diverses : agriculture et élevage pour l’exportation en Amazonie, agriculture vivrière au Congo, et huile de palme en Asie du Sud-Est, notamment à Bornéo et en Papouasie. 
Aussi, cette alliance des trois bassins est cruciale pour éviter une concurrence dans l’obtention des financements contre la déforestation. La compétition est exacerbée par l’insuffisance, l’inefficacité et la répartition inéquitable des aides internationales pour la protection de la biodiversité. En effet, les engagements financiers des pays développés à la COP15 de Copenhague en 2009 n’ont pas été pleinement honorés, accentuant les disparités entre pays vulnérables et émergents. L’alliance vise également à prévenir les effets de fuite. Si certains pays s’efforcent de réduire la déforestation tandis que d’autres ne font rien, celle-ci peut simplement se déplacer des pays engagés vers ceux qui ne le sont pas. Ce phénomène résulte d’un mécanisme économique : la réduction de la déforestation dans une région peut entraîner des contraintes sur son secteur agricole, augmentant ainsi le coût des denrées. Il y a alors le risque que la demande internationale se déplace vers des régions avec une protection moindre des forêts, favorisant la déforestation. Actuellement, la monétisation de la protection forestière se fait souvent par des crédits carbone volontaires, sensibles à leur décentralisation et à leur efficacité douteuse. Ce sommet avait donc pour but de discuter de la façon de reprendre le contrôle financier et opérationnel sur la protection des forêts, mais aussi d’apporter plus de transparence et d’efficacité. Concentrer les efforts de lutte contre la déforestation uniquement dans les pays des trois principaux bassins forestiers négligerait la responsabilité significative des pays développés dans la perte de couvert forestier, principalement à travers la déforestation importée. Entre 29 et 39 % des émissions de déforestation tropicale sont attribuables au commerce international. Par exemple, la déforestation en Amazonie est largement due à la culture de soja destinée à l’exportation, principalement vers l’Europe pour l’alimentation animale. De même, l’huile de palme, produite en Malaisie et en Indonésie, contribue à la déforestation et se retrouve dans de nombreux produits européens. Réduire massivement la déforestation tropicale nécessiterait une modération significative des modes de vie, notamment dans la consommation de viande et d’autres produits à fort impact. Bien que le Parlement européen ait adopté un règlement contre la déforestation importée en 2022, certaines limitations, comme l’exclusion de certains écosystèmes fragiles, pourraient nuire à son efficacité. De plus, la traçabilité des données reste un défi potentiel, permettant à certains acteurs économiques de maintenir une certaine opacité.




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 Que retenir du Sommet des trois Bassins ?
Le sommet de Brazzaville a souligné la nécessité d’une collaboration internationale accumulée pour protéger les forêts, cruciales pour la régulation climatique. Les participants, dont les présidents brésilien et français (par visioconférence) ainsi que le secrétaire général des Nations unies, ont discuté pendant deux jours avec les chefs d’État africains. Les différents discours ont souligné l’importance de la coopération mondiale, affirmant que la déforestation ne pouvait être combattue qu’ensemble. La déforestation persiste, avec 6,6 millions d’hectares de forêt perdue en 2022. Les participants ont réaffirmé leur engagement à coopérer, annonçant une “feuille de route” pour une coopération accrue entre les trois bassins. La réunion précède la COP28 à Dubaï fin novembre.

Le président de la Transition du Gabon, Brice Oligui Nguema, a marqué le Sommet par son discours significatif, symbolisant le rapprochement entre Brazzaville et Libreville.  Il a annoncé la suppression des visas pour les Africains se rendant au Kenya d’ici la fin de l’année. Il a plaidé pour la réévaluation du PIB africain en incluant les sources de carbone des forêts, soulignant l’impératif de travailler ensemble et de transformer les minéraux en Afrique pour stimuler l’emploi. Il a également encouragé le commerce intra-africain, appelant à utiliser les monnaies locales. Le président de la République centreafricaine Faustin-Archange Touadéra a abordé la question du fonds pour pertes et dommages, tandis que le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a, lui, réclamé un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Les dirigeants africains ont exprimé leur gratitude envers le président Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo, et à la fin du Sommet.
Cependant, Greenpeace souligne que la déclaration du Sommet manque d’actions concrètes pour la protection de la biodiversité et les droits des peuples autochtones, qui étaient pourtant représentés et venaient des trois continents. Les discussions se sont plutôt focalisées sur les marchés controversés du carbone, perçus comme le principal moyen financier pour la préservation des forêts tropicales. Mais si ces marchés deviennent le principal financement pour la protection de la biodiversité, ils risquent de renforcer la marchandisation de la nature et les violations des droits de l’homme.


L’idée d’Opep des forêts évoque l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, suggérant une collaboration entre les pays riches en forêts pour gérer et protéger ces écosystèmes. Cette comparaison suggère que cette alliance pourrait coordonner les actions des pays forestiers pour influencer les politiques de protection des forêts et les mécanismes de financement, tout comme l’Opep le fait pour le pétrole. Espérons que, dans l’avenir, cette action porte ses fruits !


« La Décennie pour la restauration des écosystèmes est notre chance ultime d’empêcher une catastrophe climatique », Message du Secrétaire Général de l’ONU, M. António Guterres, à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Environnement, célébrée en Juin 2021


Jessica Baucher


* Crédit photo en tête d’article : ©Pixabay


* Pour aller plus loin :
Article de Greenpeace
Influenceurs, réseaux sociaux et forêt tropicale : le Congo-Brazzaville peaufine son « nation branding »



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