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Killers of the Flower Moon : choc pétrolier sur les terres Osages

Martin Scorsese n’avait pas fait de film depuis The Irishman (2019), signé avec Netflix. Cette fois, c’est en partenariat avec Paramount Pictures et Apple TV, que Killers of the Flower Moon a pu voir le jour. Sortie en salle le 18 octobre, cette fresque de plus de trois heures puise de manière inspirée dans l’enquête de David Grann dont le roman du même nom reprend les nombreux meurtres d’Indiens osages commis il y a un siècle, au cœur d’une communauté amérindienne dont la richesse provenait de l’exploitation pétrolière. À travers ce film, Scorsese porte un regard à la fois sombre et magistral sur les racines de l’histoire des États-Unis. 

 Fleur de lune
Le titre original du livre, repris pour le film, désigne les petites fleurs des plaines de l’Oklahoma, supplantées par de hautes plantes printanières, donnant lieu à une expression locale qui dit que c’est à cette période de l’année que la lune assassine les fleurs. Dans ce film, elles représentent symboliquement les hommes blancs, descendants des colons, déterminés à priver les Indiens natifs de leurs propres richesses naturelles. Les Osages ont effectivement été contraints de quitter l’État de l’Ohio après l’arrivée des colons… ils ont vu leur destin basculer lorsque du pétrole a été découvert sous leurs terres. Leur prospérité a attiré l’avidité de certains individus peu scrupuleux parmi les Blancs, transformant leur paradis en un véritable enfer. Ils ont progressivement été anéantis, telles les fleurs de lune… Les Killers (tueurs) du titre du film sont des membres de la société dominante, tels que les fonctionnaires, avocats et médecins, qui, dans les années 1920, ont méthodiquement décimé les Osages pour s’emparer de leurs richesses naturelles.


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 Anti-western
Martin Scorsese a décidé de transformer Killers of the Flower Moon en une histoire d’amour débutant par un thriller mystérieux. Ce drame policier retrace l’histoire d’un vétéran de la Première Guerre mondiale rentrant chez lui en Oklahoma pour infiltrer la nation Osage.  Malgré les apparences, ce film n’est pas un western. Il s’agit plutôt d’une histoire de gangsters, un thème fréquemment présent dans la filmographie du réalisateur. La vision des westerns, jadis porteurs d’un manichéisme opposant les gentils cowboys aux méchants Indiens, semble bien révolue. Au cinéma, la plupart du temps, le bien l’emporte sur le mal, cependant, Scorsese semble depuis longtemps intéressé par l’inverse, mettant en scène des personnages qui manipulent le rêve américain à des fins égoïstes. Partant d’une enquête du FBI sur les meurtres locaux, Il l’a fait évoluer vers une histoire d’amour singulière entre Ernest, joué par Leonardo DiCaprio, et Mollie, interprétée par Lily Gladstone, afin de mieux refléter la complexité des événements réels derrière l’intrigue. Dans plusieurs interviews, Scorsese a souligné l’influence de ses rencontres avec les Osages, en particulier avec Margie Burkhart, l’arrière-arrière-petite-fille d’Ernest. Le réalisateur a été marqué par le fait que celle-ci lui a raconté que Mollie et Ernest étaient amoureux, ce qui a contribué à cette transformation narrative. Cette histoire d’amour apporte une profondeur significative et offre une belle illustration des conflits intérieurs des personnages. De plus, elle place les autochtones au cœur de l’histoire. L’actrice Lily Gladstone, d’origine amérindienne est éblouissante dans son interprétation tragique d’une femme poussée vers l’abîme par la faute de l’homme qu’elle aime. 



©Apple-TV

 

 Miroir
Dans cette longue épopée, Scorsese ne se limite pas à explorer uniquement la complexité de cette relation amoureuse mais s’efforce de présenter une vue d’ensemble des interactions entre les prédateurs blancs et les victimes autochtones. Cependant, l’excès de détails et de plans ininterrompus est parfois oppressant. On peut regretter l’absence de point de vue franc qui nous laisse, en tant que spectateurs, éparpillés et indécis. Le film s’étire trop longuement dans la description des crimes sordides s’abattant sur la communauté Osage. Malgré tout, il signe là l’oeuvre le plus politique de sa carrière et participe à l’exploration des traumas de l’Amérique. Il nous invite à nous intéresser au monde déséquilibré dans lequel nous vivons en dressant le portrait cruel d’une Amérique livrée à la violence et à l’avidité. Killers of the Flower Moon à est un film à contre-courant qui nous plonge sans réserve dans les abîmes de la condition humaine.


Jessica Baucher


Photo en tête d’article : © 2023 – Apple TV – All Rights Reserved.

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