Bernard Rio est un auteur incontournable du patrimoine breton, explorateur des chemins, spécialiste des légendes et conteur. Son œuvre, riche et variée, invite à redécouvrir la Bretagne à travers ses traditions, ses lieux sacrés et ses chemins intérieurs. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre Le vrai savoir des druides décode le monde invisible, en s’attachant à éclairer ce que furent réellement leurs enseignements, au-delà des projections actuelles et des relectures romantiques.
À quoi renvoie aujourd’hui le mot « druide » ? Souvent réduit à un stéréotype de sage barbu, il cache en réalité une tradition complexe et multiforme. Dans Le vrai savoir des druides, à partir d’un travail minutieux sur les sources antiques, Bernard Rio reconstitue les lignes de force, les mythes insulaires, les légendes bretonnes et les traditions populaires. Loin des caricatures ou des simplifications historiques, il présente le druide comme un philosophe naturaliste, proche de Pythagore dans son rapport aux nombres, aux cycles cosmiques et à l’immortalité de l’âme. Il ne souhaite pas ressusciter une doctrine oubliée, mais cartographier un rapport au monde qui faisait du savoir une manière de vivre en accord avec la nature, le temps et le sacré.

◆ Une tentative de réhabilitation
Ce nouvel ouvrage n’est pas une thèse universitaire sur le druidisme mais plutôt un essai transversal , méditatif, historique, spéculatif parfois, qui essaie de dégager ce qu’était le savoir des druides, à travers les échos que l’histoire, la langue, les mythes et les lieux ont conservés. Bernard Rio ne cherche pas à faire une reconstitution d’un dogme disparu. Il tente plutôt de répertorier les fragments d’une pensée cosmologique et symbolique, éparpillés dans la mémoire européenne. Il recourt à un vaste corpus : auteurs grecs et latins, sagas irlandaises et galloises, traditions bretonnes mais il ne prétend jamais reconstituer une doctrine, seulement cartographier les survivances symboliques.
Son approche prolonge des recherches déjà présentes dans plusieurs de ses ouvrages. Dans Les portes de l’âme (1998), il interrogeait les relations entre paysage et sacré . Son livre Le voyage sacré (2010), explorait quant à lui les pèlerinages dans leur dimension rituelle et cosmologique. Enfin, dans Les veilleurs de l’ombre (2020) , il s’intéresse aux figures marginales, souvent rurales, qui perpétuent une forme de mémoire spirituelle discrète . Le vrai savoir des druides s’inscrit dans cette même dynamique : relier l’histoire et l’imaginaire, l’oralité et la symbolique, l’archive et l’intuition.
◆Un philosophe cosmique à la manière de Pythagore
L’une des propositions les plus intéressantes du livre est le parallèle que Bernard Rio établit entre les druides et les pythagoriciens. Il souligne que, dans les témoignages antiques, les druides enseignaient l’immortalité de l’âme, la métempsychose, et s’exprimaient en nombres et en cycles. Cela les rapproche de la figure de Pythagore, philosophe grec pour qui l’harmonie du monde repose sur des proportions, des rythmes, une mathématique sacrée. Le druide, comme le philosophe grec, contemple le cosmos comme un tissu vivant d’interrelations entre les règnes, les temps, les symboles.
Ce rapprochement permet de sortir des visions purement religieuses du druidisme, en insistant sur sa dimension intellectuelle, voire scientifique. Le druide ne semble plus être un officiant reclus dans une forêt sacrée, mais un observateur du monde, un médiateur entre le visible et l’invisible, dont le savoir repose sur l’harmonie du réel.

◆Savoir cyclique
Le livre explore les grandes lignes de ce savoir : lecture des cycles lunaires et solaires, connaissance médicinale des plantes, usage symbolique des arbres, géographie sacrée des lieux, rôle central de la parole et de la mémoire . Le tout se fonde sur une cosmologie où tout est interdépendant : l’homme, les éléments, les saisons, les animaux, les morts s … Contrairement à la pensée moderne, le druidisme dont il parle repose sur une approche, circulaire, analogique, qui tisse les correspondances plutôt que de séparer. Bernard Rio insiste longuement sur les pratiques orales : récitation, apprentissage par cœur et transmissions initiatiques. Ces modes de savoir non écrit, fluides, mouvants, expliquent en partie pourquoi il nous est si difficile aujourd’hui d’en saisir la teneur précise . Il évoque également les risques de réinterprétation approximative que permet l’absence de documents écrits.
Le vrai savoir des druides n’est ni un guide pratique, ni une reconstruction érudite, ni un traité de spiritualité, mais plutôt un essai de transmission d’une forme de pensée ancienne, pas tout à fait perdu. Bernard Rio ne prétend pas restituer une vérité oubliée, mais propose une lecture intuitive et connectée de l’héritage druidique.
C’est aussi un plaidoyer pour une manière d’être au monde plus lente, plus intégrée, plus attentive. Un livre de lenteur, de marche et de mémoire. Il faut l’aborder comme un tableau : ne pas tout voir d’un coup, mais accepter de s’y perdre un peu, d’y revenir, et d’y lire peut-être autre chose à chaque passage.
« Le vrai savoir des druides ne réside pas dans une doctrine figée mais dans une manière d’habiter le monde, d’en lire les rythmes et les correspondances »,
Bernard Rio
Jessica Baucher
*Retrouvez également l’interview de Pascal Lamour dans le numéro 18 de notre revue Natives
+ Crédit photo en-tête d’article : ©Éditions Trédaniel
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