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Trois femmes Maasaïs revêtues de leur tenue traditionnelle et de colliers divers

Les Maasaïs chassés de leurs terres en Tanzanie

Leur mode de vie est mis en péril. Dans une lettre adressée aux gouvernements britannique, américain, et à l’Union européenne, des dizaines de milliers de Maasaïs protestent contre l’appropriation de leurs terres, dans le but de créer des aires de conservations et développer des safaris.

Au nord de la Tanzanie, des milliers de pasteurs Maasaïs craignent pour leur avenir. Ils demandent de l’aide à la communauté internationale pour mettre un terme à des projets de conservation qui les expulseraient de leur territoire. Des terres ancestrales, sacrées pour ces autochtones. En cause, des décisions prises par l’Unesco et l’agence culturelle des Nations unies pour créer des zones de conservation sur le territoire tanzanien, mais aussi des projets commerciaux de safaris, le tout avec le soutien du gouvernement tanzanien.

Les Maasaïs ont écrit une lettre à destination des gouvernements britanniques, américain, et de l’Union européenne, leur demandant de changer d’approche : « Nous sollicitons votre aide pour faire savoir à notre gouvernement que nos terres ne sont pas à vendre et que nous continuerons à résister à cette attaque de longue date contre nos droits et l’intégrité écologique de nos terres. Nous demandons donc à votre organisation de dénoncer ces abus et de nous aider à empêcher l’extinction de notre peuple ». Concrètement, ils demandent aux États précités de cesser de financer des projets qui, selon eux, menacent leur intégrité.

L’aire de conservation de Ngorongoro, un paradis terrestre dont les Maasaïs préservent l’équilibre, Daniel Msirikale, CC BY-SA

Dans leur viseur, la commercialisation de leurs terres : « Notre droit de vivre pacifiquement sur nos terres et de les conserver est bafoué pour faire de la place au tourisme d’élite et à la chasse au trophée ». Au total, ils sont environ 150 000 à risquer l’expulsion d’ici les prochaines années si rien n’est fait. Les territoires concernés sont l’aire de conservation de Ngorongoro et le site de Loliondo, près du parc national de Serengeti. Des lieux ancestraux pour ces communautés.

Le tourisme de masse, fléau des peuples premiers

L’objectif pour le gouvernent tanzanien est de tirer profit de l’exploitation touristique des parcs nationaux du pays. En installant le tourisme de masse sur ces terres, les Maasaïs sont les premières victimes. En effet, les touristes ne viennent pas découvrir leur culture, ni leur mode de vie. Ils sont conviés à parcourir des safaris géants. Leur présence ne serait donc pas bénéfique au tourisme selon le gouvernement tanzanien. C’est en tout cas de cette manière qu’ils justifient les projets à venir, en prétextant un problème de surpopulation, qui nuirait à la faune et à la flore environnante.

Des justifications que réfutent plusieurs spécialistes et soutien des Maasaïs, à commencer par Xavier Péron : « Cette affirmation est totalement fausse. Ils leur ont interdit l’accès à sept cratères dans le pays, ils ont réduit leurs terres années après années, et ils s’étonnent ensuite qu’il y ait du surpâturage ». Selon cet écrivain et anthropologue, c’est de la seule faute des autorités tanzaniennes s’il y a des problèmes de sur-concentration de bovins Maasaïs. « C’est un discours bien rôdé, nous avons beau le dénoncer et rétablir la vérité, c’est compliqué », ajoute-t-il. Aujourd’hui, d’après lui, c’est 40 % du territoire tanzanien qui a été transformé en parcs nationaux.

Dans la culture maasaï, la danse est sacrée, c’est une compétition, lchacun doit sauter le plus haut possible en conservant les pieds joints, Mosesobanda, CC BY-SA

Pour Anuradha Mittal, fondatrice et directrice de l’Oakland Institute, la situation est grave et rien n’est fait pour repeupler ces populations :« Les premiers examens ont montré que les zones de relocalisation proposées manquent d’eau et de pâturages adéquats pour le nombre de Maasaïs à relocaliser. Le gouvernement n’a pas présenté de sites de relocalisation viables ». Au total, 80 000 d’entre eux pourraient bientôt être expulsés de la réserve de Ngorongoro, et 70 000 de Loliondo.


Cette spécialiste bat aussi en brèche l’argument selon lequel la présence des Maasaïs nuirait à la biodiversité : « La santé des populations d’animaux sauvages à Ngorongoro n’est pas dans un état urgent de déclin et le remplacement des Maasaï par des touristes et des chasseurs aura probablement un impact négatif sur l’environnement et la santé des populations d’animaux sauvages ».

Les Maasaïs, gardiens de savoirs ancestraux et d’un mode de vie unique

Présents depuis des siècles en Afrique de l’Est, plus précisément au Kenya et au nord de la Tanzanie, les Maasaïs sont des éleveurs semi-nomades. Leur renommée à travers le monde tient au fait qu’ils vivent dans de nombreux parcs animaliers de la région. Pour Xavier Péron, la philosophie maasaï est ancrée dans la non-résistance, même si ce sont des guerriers. C’est pour cette raison qu’il ne croit pas à une quelconque rébellion. Cependant, il compte sur les nombreux avocats qui se battent contre les projets de conservation pour former un contre-pouvoir en Tanzanie.

Des Maasaïs de la Forêt-de-l’Enfant-Perdu
réalisent du feu, ©Alexandra Dugast

Certains spécialistes estiment que le manque de considération envers les Maasaïs viendrait de la méconnaissance de leur culture. À l’instar de Lucie Hubert, écrivaine et soutien de ce peuple premier : « Ils ont beaucoup à nous apprendre, notamment sur l’équilibre à trouver avec la nature ». « Ils ont réussi, grâce à leurs techniques ancestrales, à conserver cet équilibrer entre la faune sauvage et leurs vaches », affirme-t-elle.

Le pastoralisme maasaï est réputé pour fonctionner par rotation des pâturages, ce qui permet de faciliter la reproduction de leur écosystème. Leur connaissance des plantes leur a aussi permis de développer un savoir médicinal inspirant (cf. voir le livre Oreteti de Kenny Matampash et Lucie Hubert sur les plantes dans la culture maasaï). Une culture ancestrale, qu’ils souhaitent perpétuer à l’avenir.

Et si le meilleur moyen de défendre la biodiversité était de protéger les peuples premiers ? C’est en tout cas ce que pense Anuradha Mittal, notamment en Tanzanie : « Toutes les études démontrent que les peuples indigènes sont les meilleurs défenseurs de la nature. Faire respecter leurs droits fonciers est le moyen le plus efficace et le plus juste pour protéger notre monde naturel ». En attendant la suite des événements, les Maasaïs peuvent compter sur de nombreux soutiens, qui se battent pour leur intégrité et pour la sauvegarde de leur mode de vie ancestral.

Antoine Portoles

Photo en tête d’article : Chez les Maasaïs, les ornements traditionnels prennent une place toute particulière, Jobmukuria, CC BY-SA

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