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Graffiti sur un mur de la ville de Valpariso. 6 hommes font face, des représentations traditionnelles Selknam. IAu second plan, des messages écrits en espagnol

Au Chili, la renaissance du peuple Selknam de la Terre de Feu

Un nouvel espoir. Le peuple Selknam, aujourd’hui considéré comme éteint par les spécialistes, refait surface. Au Chili, leurs descendants souhaitent honorer leur mémoire.

La mémoire des Selknam pourrait enfin être rétablie. Les descendants de ce peuple aujourd’hui éteint de Patagonie souhaitent restaurer la dignité de ces hommes et de ces femmes, tombés dans l’oubli. Pour cela, ils souhaitent que l’État chilien les reconnaisse légalement comme leurs descendants officiels.

À la clé de cette demande, un double enjeu subsiste. Le premier est une reconnaissance juridique efficiente, conférant à ces descendants des droits, notamment des droits fonciers sur les terres de leurs ancêtres. Le second est mémoriel, afin que toute la lumière soit faite sur l’histoire de ce peuple. Au-delà de droits, c’est une vérité historique que ces descendants réclament.

L’ancienne ministre chilienne du développement social Karla Rubilar approuve cette démarche mémorielle : « Le peuple Selknam n’est pas éteint, il est actuellement dans un processus de réappropriation et de recréation culturelle, et il a le droit de reconstruire sa propre mémoire ».

Changement de cap au Chili

Avec l’entrée en fonction du nouveau président de la République Gabriel Boric le 11 mars 2022, une page se tourne au Chili. Dès le premier jour de sa mandature, le nouveau président chilien a en effet participé à une cérémonie en compagnie de sept peuples autochtones du pays. Son message : faire respecter la pluralité des cultures, et protéger « tous les peuples chiliens ».

Exposition sur la culture selknam au musée Fernando Cordero Rusque, à Porvenir en Patagonie, Benjaminpvera, CC BY-SA

L’autre changement vient de la convention constitutionnelle, établie il y a plusieurs mois, dont le but est de rédiger la nouvelle Constitution chilienne. Parmi les articles déjà adoptés, l’un d’entre eux fait du Chili « un État régional, plurinational et interculturel composé d’entités territoriales autonomes, dans un cadre d’équité et de solidarité entre elles, préservant ainsi l’unité et l’intégrité de l’État ». Une avancée de taille, qui rompt avec la conception de l’État unitaire telle qu’énoncée dans l’actuelle Constitution, consacrée en 1980 durant la dictature d’Augusto Pinochet.

Si les droits des peuples premiers du Chili sont clairement reconnus, les descendants des Selknam seront d’autant plus légitimes à obtenir des réparations. La dernière étape de ce processus constituant sera le referendum, qui devrait intervenir en fin d’année.

De Magellan à aujourd’hui, une histoire tragique

La culture selknam recèle bien des secrets, en témoigne cette statue énigmatique, amanderson2, CC BY

Autrefois, les Selknam peuplaient la Terre de Feu, un archipel de Patagonie situé à l’extrême sud du continent sud-américain, aujourd’hui partagée par le Chili et l’Argentine. Aussi appelés les Onas, ils étaient chasseurs-cueilleurs, se nourrissant principalement de la chasse au guanaco et au renard. Ils sont principalement connus pour leurs peintures corporelles, témoignages d’une cosmologie unique.

À leur arrivée en 1520 sur le continent, les colons espagnols, menés par Fernand de Magellan, découvrent ce peuple mystique. En traversant ce cap qui deviendra ensuite le détroit de Magellan, du nom du célèbre navigateur portugais, les colons contemplaient les colonnes de fumée provenant de la terre ferme. Des feux de camp qui scintillaient dans la nuit, animés par les Selknam. C’est de cette histoire que serait né le mythe de la « Tierra del Fuego », ou Terre de Feu, en référence à ces feux indigènes.

Par la suite, à la fin du XIXe siècle, un véritable génocide est perpétré par les colons et les chasseurs d’autochtones, mais aussi par les États chilien et argentin. Sous la torture, la déportation et l’extermination, la population selknam est passée de 4 000 individus au début du XXe siècle à seulement 100 en 1930, selon l’anthropologue Walter Gardini. À l’époque, ils nourrissent la perversité des scientifiques et marchands d’esclaves, les utilisant pour mener des expériences ou pour les exposer dans des cirques humains. Les Selknam seront aussi dépossédés de leur culture du fait des missions d’évangélisation en Terre de Feu.

La peinture corporelle, un art ancestral visible autrefois dans la cordillère des Andes, Carsten ten Brink,CC BY-NC-ND

Ce génocide, une commission d’enquête instituée par le gouvernement chilien l’a reconnu en 2003. Toutefois, un long chemin reste à parcourir pour rétablir la mémoire de ce peuple. Virginia Choquintel, décédée en 1999, était considérée selon les spécialistes comme la dernière Selknam de « sang pur ». Lors d’un recensement au Chili en 2017, 1 144 personnes se sont identifiées comme descendantes de ce peuple. Autant de personnes désireuses d’honorer la mémoire de leurs ancêtres. L’histoire des Selknam n’est donc pas terminée.

Antoine Portoles

Photo en tête d’article : À Valpariso au Chili, sur un mur, un graffiti représentant les ornements et peintures traditionnelles des Selknam, duncan c (Flickr), CC BY-NC



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